Une nouvelle vision de l'Océan : un milieu turbulent à toutes les échelles

L’Océan est une machine complexe qui fonctionne à des échelles extrêmement différentes. Certains processus se déroulent sur des milliers de kilomètres, comme par exemple le Gulf Stream, et d’autres sur quelques kilomètres, prenant la forme de filaments qui produisent de tout petits tourbillons. Les liens qui existent entre ces structures de différentes échelles sont peu connus et donc mal pris en compte dans les modèles d’océans actuels.

Publiée dans Nature Communications[1], une étude menée dans le cadre d’une collaboration très étroite entre le Jamstec[2] et l’Ifremer montre pour la première fois que les structures océaniques de petite échelle ont un impact sur la circulation océanique. Générées en hiver près de la surface par les flux atmosphériques, elles permettent de comprendre la forte évolution saisonnière – jusqu’à présent inexpliquée - des tourbillons d’échelle moyenne (de 200 à 300 km de diamètre) dans certaines régions de l’Océan Pacifique Nord. En fait, l’énergie des petites échelles se transfère vers les plus grandes par fusion : la fusion de deux petits tourbillons peu profonds produisant un tourbillon plus grand et plus profond.

Les résultats de cette étude ont été obtenus grâce à des simulations numériques de haute résolution réalisées sur le Earth Simulator Japonais.

Petites échelles, grande influence

La prise en compte de ces transferts d’énergie entre les petites structures et les plus grandes, ou interactions d’échelle, est essentielle pour l’amélioration des connaissances dans de nombreux domaines comme les modèles climatiques et de prévision océanique, la compréhension des interactions physiques-biologiques et la dispersion en surface et en profondeur des polluants.En effet, ces structures de petites échelles, comme les fronts de température, sont associées à de fortes vitesses verticales (propices au développement de phytoplancton et donc à la présence de poissons) et aussi à des flux de chaleur importants à l’interface air-mer.

Dans le futur, les petites échelles seront observées par satellite

Aujourd’hui, l’altimétrie embarquée sur satellite (missions JASON 1, JASON 2,…) permet uniquement d’observer les tourbillons d’échelle moyenne et les plus grandes échelles. Cela a déjà permis de montrer que ces tourbillons sont omniprésents dans tous les océans, qu’ils représentent près de 80 % de l’énergie cinétique des mouvements océaniques et sont caractérisés dans certaines régions par une forte variabilité saisonnière.

Dans les années à venir, une nouvelle génération d’altimètres, comme celui de la mission spatiale franco-américaine SWOT (CNES-NASA)[3] prévue en 2020, va permettre d’observer les structures de plus fines échelles et donc les interactions d’échelles associées.

Couplées à des simulations numériques similaires à celles du Earth Simulator, les données de ces futurs altimètres permettront d’apporter des réponses à la communauté scientifique internationale, à propos de l’impact des petites échelles sur la dynamique océanique de plus grande échelle.

En savoir plus : http://www.jamstec.go.jp/e/about/press_release/20141215/

[1] « Impact of oceanic-scale interactions on the seasonal modulation of ocean dynamics by the atmosphere ». Par Hideharu Sasaki (Jamstec, Japon), Patrice Klein (Ifremer/CNRS, France), Bo Qiu (UH, USA) & Yoshikazu Sasai (Jamstec, Japon). Publié le 15 déc. 2014 dans Nature Communications : http://www.nature.com/ncomms/2014/141215/ncomms6636/full/ncomms6636.html

[2] Japan Agency for Marine-Earth Science and Technology

[3] http://smsc.cnes.fr/SWOT/Fr/

Télécharger le communiqué :