Au secours de l’huître plate et de la langouste rouge : l’Ifremer lance deux expérimentations en pointe bretonne

Des récifs artificiels en rade de Brest pour sauver l’huître plate

L’Ifremer est impliqué dans deux projets scientifiques menés en parallèle sur deux espèces en déclin, l’huître plate et la langouste rouge. Deux types de récifs artificiels sont ainsi en cours d’immersion en rade de Brest  pour étudier l’implantation des larves et leur colonisation progressive par ces deux espèces emblématiques.

 

Seule espèce native d’Europe, l’huître plate est en déclin. Fleuron de l’ostréiculture bretonne, elle affichait dans les années 1960 une production de 20 000 tonnes. Suite à deux maladies parasitaires, la production s’est effondrée à 2000 tonnes dans les années 1980 et ne s’est jamais redressée depuis. Cette espèce est aussi exploitée par la pêche à la drague. Là aussi, les stocks sauvages sont au plus bas.

Les principaux gisements sauvages présents en Bretagne sont situés dans la baie de Quiberon et dans la rade de Brest, mais leur état est dégradé. Un programme de recherche porté par le Comité régional conchylicole (CRC) de Bretagne sud et baptisé Forever (Flat Oyster Recovery) a été initié pour mieux connaître la biologie de cette espèce et notamment mieux comprendre la dynamique de ces gisements. L’objectif est également de mettre au point des solutions pratiques pour aider à conserver et restaurer les populations des côtes bretonnes.

« Le 25 juin, nous avons mis à l’eau dans la rade de Brest le premier récif artificiel conçu spécialement pour favoriser l’implantation des huîtres plates », se réjouit Stéphane Pouvreau, biologiste au Laboratoire des sciences de l'environnement marin (Lemar), basé sur le site Ifremer d’Argenton (29), et pilote scientifique du projet Forever. Développé par l’ESITC Caen (Ecole supérieure d’ingénieurs des travaux de la construction), le CRC, le bureau d'étude Cochet Environnement et des professionnels de l'ostréiculture, ce récif se compose de béton calcaire et de co-produits coquilliers. « La formulation de ce substrat a été mise au point en étudiant les préférences de « recrutement » de cette espèce, explique Stéphane Pouvreau. On offre ainsi aux larves le support qu’elles préfèrent et qui leur manque ».

Naturellement,  les larves d’huîtres plates ont tendance à se fixer à proximité d’huîtres adultes de la même espèce. « Nous pensons qu’elles sont attirées par des substances chimiques émises par les huîtres fixées mais aussi par d’autres attracteurs comme les bruits sous-marins liés à leur présence ». Moins il y a des coquilles sur le fond, moins il y a de supports pour les larves et par ce cercle vicieux qu’un gisement disparait.

 

L’instinct maternel de l’huître plate : Contrairement à sa cousine creuse, l’huître plate Ostrea edulis ne libère pas directement ses ovules dans la mer. Chez elle, la fécondation et le début du développement larvaire se passe dans la coquille de la mère. Les gamètes mâles présents dans l’eau de mer qu’elle filtre fécondent ainsi ses ovules. Les jeunes larves y restent protégées 8 à 10 jours avant d’être libérées dans la colonne d’eau. « C’est le seul bivalve de nos côtes européennes à avoir un instinct maternel », souligne Stéphane Pouvreau. Cette phase de protection permet d’éviter aux larves d’être dispersées par les courants. Une fois libres, les larves évoluent dans toute la colonne d’eau pendant encore une dizaine de jours jusqu’à trouver le substrat adapté sur lequel elles se fixeront pour le restant de leur vie. Et une huître plate peut vivre plus de 30 ans ! 

Des collecteurs immergés en mer d’Iroise pour la langouste rouge

Une expérimentation analogue sera menée dans les prochaines semaines sur la langouste rouge. Comme l’huître plate, c’est une espèce qui a été fortement pêchée sur les côtes bretonnes et qui connaît un fort déclin. Alors que 250 tonnes étaient pêchées chaque année au sortir de la guerre dans le seul port d’Audierne (29) pour une production nationale de près de 1000 tonnes, seulement 50 tonnes par an étaient pêchées à la fin des années 90 pour l’ensemble de la façade Atlantique. Des mesures de gestion sont appliquées sur cette espèce depuis les années 2000 : taille minimale de capture (110 mm actuellement), zone d’interdiction de pêche de 20 km2, interdiction de pêche de janvier à mars ou encore remise à l’eau des femelles portant des œufs. En parallèle, un suivi scientifique a été mené par l’Ifremer, avec notamment le marquage d’individus pour étudier leur comportement d’une année sur l’autre.

Mais les données biologiques manquent encore sur le recrutement de l’espèce : le cycle larvaire et les premiers stades fixés sur le fond. « Nous observons beaucoup de jeunes individus, à un niveau jamais rencontré par les pêcheurs depuis 30 ans. Nous voulons comprendre les causes, et les variations d’une année sur l’autre », précise Martial Laurans, chercheur au Laboratoire halieutique de l’Ifremer et responsable du projet Reccru (Recrutement crustacés). Dans le cadre de ce projet, deux types de collecteur de fond sont en cours d’installation en mer d’Iroise et en baie de Morlaix, avec des suivis réguliers par plongées pendant les trois prochaines années.

Ces projets visent tous deux à mieux connaître la biologie de ces espèces autrefois abondantes afin de mettre en place des solutions efficaces pour les restaurer.