De nouveaux robots autonomes pour mieux observer l’océan
Lauréat de la première vague de l’appel à projets EQUIPEX « Équipements d’Excellence » lancé dans le cadre du grand emprunt, le projet NAOS (Novel Argo Observing System) copiloté par l’Ifremer et Sorbonne Université a tenu sa réunion finale le 17 septembre. Le projet a bénéficié d’un financement de 8 millions d’euros de l’Agence nationale de la recherche et s’est déroulé de 2011 à 2020 : 10 années de développement qui ont permis à la France et à l’Europe de se doter d’une nouvelle génération de robots autonomes Argo capables de répondre aux défis futurs de l’observation des océans.
Le programme international Argo et ses contributions européenne et française
Grâce à ses 4 000 flotteurs profilants (petits robots autonomes) qui mesurent la température et la salinité depuis la surface jusqu’à 2 000 mètres de profondeur sur l’ensemble des océans, le programme international Argo, qui réunit près de 30 pays, a révolutionné l’observation globale des océans. C’est le premier réseau mondial d’observation in-situ des océans en temps réel, le complément indispensable des mesures satellitaires permettant d’observer, comprendre et prévoir l’évolution du climat et caractériser l’impact du changement climatique sur les propriétés physico-chimiques de l’océan et sur les écosystèmes marins.
Une structure légale (Euro-Argo ERIC) a été mise en place en 2014 pour organiser la contribution européenne au réseau. Elle est coordonnée par la France et regroupe 12 pays européens. La contribution française à l’ERIC Euro-Argo (Argo France) est une Très Grande Infrastructure de Recherche (TGIR) du ministère de l’Enseignement supérieur de la recherche et de l’innovation (MESRI). Argo France inclut les activités de coordination, d'achat et de déploiement des flotteurs, le traitement des données et l'interface avec la communauté utilisatrice. La France contribue à environ 10 % du réseau global et héberge un des deux centres mondiaux de traitement (centre de données Coriolis opéré par l’Ifremer).
Maintenir le réseau Argo sur les prochaines décennies est un enjeu scientifique majeur. Lors de son discours d’ouverture de la 15e édition des assises de l’économie de la mer, le Président de la République a lui-même rappelé l’importance d’Argo pour la recherche sur l’océan et le climat.
Le projet Equipex NAOS : renforcer la contribution française au réseau européen
Améliorer notre connaissance du rôle de l'océan sur le climat nécessite parallèlement de nouveaux outils d'observation. Pour répondre à ces besoins, NAOS a développé et validé la nouvelle génération de flotteurs profilants Argo : des flotteurs plus endurants, plus « intelligents », en mesure d’embarquer plus de capteurs (notamment pour la biogéochimie marine) et d’atteindre les zones les plus reculées de l’océan comme les grandes profondeurs (4000 m) et les régions polaires.
Fort de l’expérience technique et scientifique du consortium NAOS, trois expériences pilotes ont été menées :
- Surveiller et mieux comprendre l’état biogéochimique de la mer Méditerranée. Bassin fragile, soumis à une pression anthropique sans équivalent, la Méditerranée a été le « terrain de jeu » idéal pour montrer l’efficacité des flotteurs profilants NAOS équipés de capteurs biogéochimiques comme instruments scientifiques d’excellence.
- Explorer la dynamique du phytoplancton sous la glace polaire arctique. Parmi les environnements naturels les plus hostiles de la planète, l’Arctique joue un rôle critique dans la machine climatique. Sous la glace, la vie s’y est adaptée et le phytoplancton y a trouvé une niche écologique très difficile à observer. Des flotteurs, développés dans le cadre de financement NAOS, capables « d’hiverner » sous la glace pour refaire surface à la fonte des glaces y ont été déployés, avec un fort partenariat avec les équipes canadiennes spécialistes de la région.
- Observer la dynamique profonde de l’océan Atlantique. En Atlantique Nord, la plongée des eaux de surface en profondeur constitue le « moteur » principal de la circulation océanique globale et du stockage de l’excès de chaleur et de CO2 dus aux activités humaines, contribuant ainsi au rôle régulateur de l’océan sur le climat. Des flotteurs NAOS capables d’atteindre ces couches profondes y ont été déployés pour y étudier la circulation océanique, encore largement méconnue et son rôle dans la redistribution des signaux climatiques. Les flotteurs étaient également équipés de capteurs d’oxygène pour surveiller et comprendre la capacité de l’océan à oxygéner ses couches les plus profondes.
Des avancées technologiques et scientifiques majeures
- Un renforcement de la contribution de la France au réseau international Argo. Déploiement de 100 flotteurs sur la période 2011-2019. La contribution française au réseau est maintenant de 10% et représente plus de 30 % des efforts européens.
- Des performances (durée de vie, fiabilité) nettement accrues pour la nouvelle génération des flotteurs Argo français.
- Un nouveau flotteur capable de traquer le changement climatique jusque dans les grandes profondeurs (4000 m).
- Des flotteurs avec capteurs biogéochimiques aux performances améliorées.
- Des flotteurs intelligents capables d’explorer les zones polaires et de détecter la présence de glace.
- Première démonstration d'un réseau opérationnel de flotteurs Argo avec capteurs biogéochimiques à l'échelle d'un bassin océanique: mise en œuvre et maintenance du réseau, traitement temps réel et contrôle qualité, intégration avec les modèles.
- Première démonstration de l'apport de flotteurs Argo avec capteurs biogéochimiques pour le suivi de l'océan Arctique et de l'évolution de sa production primaire
- Des avancées scientifiques remarquables sur la compréhension des cycles biogéochimiques en Méditerranée et en Arctique et l’océan profond en Atlantique Nord. Plus de 40 publications scientifiques basées sur les jeux de données uniques collectés lors des trois expériences pilotes de NAOS.
Un partenariat fort entre le secteur public et privé
Le projet NAOS s’est organisé autour d’un partenariat fort entre l’Ifremer (porteur), Sorbonne Université (co-porteur du projet), le CNRS, l’UBO/IUEM, le Shom et des entreprises privées : CLS pour les aspects de télécommunications par satellite et la PME nke instrumentation chargée de l’industrialisation, de la production et de la commercialisation des flotteurs Argo fabriqués en France.
NAOS a eu un effet catalyseur pour consolider et renforcer la compétitivité mondiale de nke. Nke occupe maintenant la 2e place parmi les fabricants industriels de profileurs Argo en termes de nombre de flotteurs actifs. Cette très bonne progression correspond à une augmentation des parts de marché de nke d’un facteur 2 par rapport à la période pré-NAOS. L'intégration et l’analyse des performances de la technologie Argos-3 réalisée dans NAOS a été essentielle pour la préparation par CLS de ses futurs services de télémétrie satellitaire (Argos-4, Kineis).
Le futur de NAOS : répondre aux problématiques du rôle de l'océan dans l'évolution du climat
Fort des avancées technologiques et scientifiques de NAOS, la France propose de mettre en œuvre sur la période 2020-2030 sa contribution à la nouvelle phase opérationnelle du programme international Argo avec une extension à l’océan abyssal (Deep Argo) et à la biogéochimie (BGC-Argo).
Cette nouvelle phase d’Argo est associée à de forts enjeux scientifiques sur l’étude de l’évolution de l’océan et du changement climatique avec en particulier les questions posées sur le rôle de l’océan profond sur le bilan énergétique de la planète, la pompe océanique de CO2, l’acidification des océans, la désoxygénation et l’évolution des écosystèmes et des ressources vivantes. Elle est aussi essentielle pour le suivi et la prévision opérationnelle des océans mise en œuvre par le programme européen Copernicus et son service marin piloté par la France (Mercator Ocean International).
En savoir plus : www.naos-equipex.fr