Baisse de taille des sardines en Méditerranée : le rôle de l’alimentation expliqué
La baisse de taille des sardines en Méditerranée est liée à une évolution de leur nourriture et de l’environnement du golfe du Lion. Tels sont les principaux résultats du projet scientifique Mona Lisa, mené par l’Ifremer en partenariat avec les pêcheurs. La restitution finale a lieu aujourd’hui à Sète.
Maillons essentiels de la chaîne alimentaire dans l’océan, les sardines comptent parmi les poissons les plus pêchés au monde. Mais depuis le milieu des années 2000, pêcheurs et scientifiques constatent une forte diminution de la taille et du poids des individus sur nos côtes. En Méditerranée, leur taille est passée de 15 à 11 cm en moyenne, leur poids de 30 g à 10 g, et les sardines de plus de deux ans ont disparu. Ces sardines plus petites et plus jeunes sont très peu valorisables commercialement. Les recherches menées par l’Ifremer ont montré que ce n’était ni la pêche, ni les prédateurs naturels (thon ou dauphin), ni un virus qui en étaient la cause, mais leur alimentation. Le plancton est moins nourrissant, ce qui vient d’être confirmé par les résultats du projet scientifique Mona Lisa.
La quantité de micro-algues dans le golfe du Lion a globalement baissé de 15%
Les scientifiques ont d’abord pu analyser toutes les données qui pourraient expliquer une baisse de qualité du plancton dans le golfe du Lion. « Les images par satellite montrent clairement une baisse de la quantité de micro-algues au milieu des années 2000, allant jusqu’à 15%. C’est-à-dire au moment où on commençait à observer la baisse de taille des sardines », explique Jean-Marc Fromentin, chercheur à l’Ifremer à Sète (34). Cette diminution de la production de plancton pourrait aussi s’accompagner d’un changement de leur taille : les cellules planctoniques seraient plus petites et moins énergétiques pour les poissons qui les consomment, comme la sardine ou l’anchois.
Ces modifications résulteraient de changements environnementaux régionaux importants, se traduisant par une baisse des nutriments apportés par le Rhône, des modifications de la circulation atmosphérique et océanique, et une augmentation globale de la température de 0,5°C en 30 ans en moyenne en lien avec le changement climatique.
L’effet d’une nourriture de petite taille testé en bassin
En complément de ce suivi sur le milieu naturel, les scientifiques ont pu mener une expérimentation inédite par son ampleur, en milieu contrôlé. 450 sardines âgées d’un an, capturées en mer avec l’aide des pêcheurs professionnels, ont été acclimatées pendant sept mois dans huit bassins à la station expérimentale Ifremer de Palavas-les-Flots (34). Objectif : tester l’effet de la taille et de la quantité de nourriture sur la survie, la croissance et les réserves des poissons. Les sardines ont ainsi été réparties en quatre groupes avec des aliments de petite ou grande taille, en petite ou grande quantité selon les bassins.
« Nous avons été surpris par l’effet très important de la taille de l’aliment, raconte Claire Saraux, anciennement chercheuse à l’Ifremer et maintenant au CNRS. Une sardine recevant des aliments de petite taille doit en avoir une double portion pour grandir comme une sardine avec des aliments de grande taille. »
En effet, avec des aliments de petite taille, la sardine consomme ses proies en mode « filtration » au travers de ses branchies, ce qui implique une nage soutenue pendant une assez longue période de temps. Avec des aliments de grande taille, la sardine gobe ses proies une par une, ce qui requiert un temps de nage soutenue bien moins long et donc une moindre dépense d’énergie.
Les sardines nourries en grande quantité avec des aliments de plus grande taille ont retrouvé une taille similaire à celles pêchées avant 2008. La démonstration sur la responsabilité de l’alimentation est ainsi bouclée.
À propos
Le projet Mona Lisa (Recherches sur les fortes MOrtalités NAturelles et Les Indicateurs pour la gestion des stocks de Sardines et d’Anchois de Méditerranée) a débuté en 2016. Il a été piloté par l’Ifremer, en partenariat avec l’UPMC (Université Pierre et Marie Curie – Laboratoire d’océanographie de Villefranche sur Mer) et l’AMOP (Association méditerranéenne des organisations de producteurs). Le projet a été financé par le FEAMP (Fonds européen pour les affaires maritimes et la pêche) et par FFP (France filière pêche).