Des balises de nouvelle génération pour suivre et mieux protéger les tortues marines

L’Ouest de l’océan Indien est l’un des principaux sites mondiaux de reproduction et de ponte des tortues vertes (Chelonia mydas) et imbriquées (Eretmochelys imbricata). Deux espèces en danger et présentes sur la liste rouge de l’Union Internationale pour la conservation de la nature (IUCN).
Pour mettre en place des mesures de conservation efficaces de ces deux espèces, l’Ifremer porte deux projets phare baptisés pIOT (pilot project for Indian Ocean sea Turtles) et IOT (Indian Ocean sea Turtles). Objectifs : développer une nouvelle génération de balises pour suivre les jeunes tortues et mieux connaître l’utilisation de leurs habitats.

De la vie des tortues marines, nous ne savons finalement pas grand-chose. Elles pondent sur les plages, les jeunes s’abritent dans les mangroves le temps de grandir et elles aiment se nourrir sur les récifs coralliens et les herbiers. Or, ces habitats sont souvent victimes de l’urbanisation et des activités humaines. Face au manque de connaissances scientifiques sur la vie des tortues marines, le Plan national d’action en faveur des tortues marines des territoires français du sud-ouest de l’océan Indien (2015-2020) a fixé comme priorité de recherche l’identification des habitats fonctionnels des jeunes individus et leur utilisation. Des informations essentielles à la définition de mesures de conservation des tortues marines efficaces.
C’est dans ce cadre qu’ont été développés les projets pIOT (pilot project for Indian Ocean sea Turtles) et IOT (Indian Ocean sea Turtles) avec pour objectif principal de mettre au point une nouvelle génération de balises de suivi des tortues marines.

Des balises plus petites, plus précises et… moins chères !

L’un des moyens pour identifier les mouvements des tortues marines était jusqu’à présent l’utilisation de balises dites Argos fixées sur leurs carapaces, avec transmission des données par satellite. « Chacune de ces balises coûte environ 4 000 euros sans compter l’abonnement pour recevoir les informations, explique Sylvain Bonhommeau, chercheur en écologie marine à l’Ifremer et responsable des projets pIOT/IOT. Leur coût freine la quantité de déploiements possible et donc l’acquisition de nouvelles connaissances sur les tortues marines. Il nous importait donc de concevoir de nouvelles balises financièrement accessibles à tous les gestionnaires, les associations et les scientifiques. Nous voulions également profiter aussi des progrès récents sur les technologies de transmission de données et de miniaturisation de l’électronique pour rendre ces balises moins encombrantes et plus performantes ».

Les balises actuellement développées dans le cadre du projet IOT pèsent moins de 20 gr, mesurent 5,5 cm sur 3,5 cm. Leur prix avoisine 100 euros. Elles utilisent le système de télécommunication LoRa, utilisé couramment pour les objets connectés. Les informations collectées par la balise sont transmises à un réseau de stations de réception.

En avril dernier, lors de la campagne scientifique du Consortium de recherche « Îles Éparses » à bord du Marion Dufresne, des ingénieurs en électronique et des biologistes de l’Ifremer, du Centre d’étude et de découverte des tortues marines (CEDTM) et du Laboratoire d’informatique, de robotique et de microélectronique de Montpellier (LIRMM) ont effectué un premier déploiement sur l’île d’Europa. « C’est l’un des plus importants sites de reproduction des tortues vertes du monde. Nous y avons installé 5 stations de réception et marqué 8 jeunes tortues vertes », précise le scientifique.

Les premiers résultats obtenus en septembre dernier ont permis de valider le matériel électronique, les algorithmes et les codes informatiques open source des balises. Le bon fonctionnement des stations de réception pendant un mois dans des conditions climatiques difficiles a également été confirmé. Ces résultats permettront d’améliorer encore la deuxième version de ces balises qui sera testée puis déployée à La Réunion fin 2019, à Mayotte en 2020 et sur l’ensemble des sites d’études du projet (îles Eparses, Seychelles) jusqu’en 2021.

Vers le 1er réseau d’observation régional des mouvements des tortues marines

Une fois la position exacte d’une tortue connue grâce à ces nouvelles balises, il s’agit de la superposer avec les cartes des habitats que les scientifiques établissent actuellement à partir d’images de télédétection aériennes et satellites. « L’autre objectif du projet consiste en effet à comprendre l’utilisation des habitats dits fonctionnels des tortues marines. Où vont-elles ? A quelles périodes ? Qu’y font-elles ? Autant de questions sur leur dynamique spatiotemporelle dans leur environnement encore sans réponses », s’interroge Sylvain Bonhommeau.

Cette nouvelle génération de balises et de stations de réception innovantes ouvre la voie à la création du premier réseau d’observations des mouvements des tortues marines à l’échelle du bassin sud-ouest de l’océan Indien. Ce réseau s’étendra de La Réunion à Mayotte et aux Seychelles en passant par les îles Eparses. Chaque acteur du réseau sera autonome pour leur suivi des tortues de leur zone mais l’Ifremer continuera d’assurer un suivi et des formations selon les besoins.  

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