Près de la moitié des volumes de poissons pêchés provient de populations exploitées durablement
En 2019, 49 % des volumes de poissons pêchés en France sont issus de populations exploitées durablement, contre 15 % il y a 20 ans. Mais la surpêche touche encore 26% des populations, et 2% sont considérées comme « effondrées » parmi lesquelles le cabillaud en mer Celtique. Côté Méditerranée, la situation reste préoccupante, malgré la reconstitution de la population du thon rouge.
« On peut se féliciter que certaines populations soient aujourd’hui en meilleur état écologique, grâce aux progrès des connaissances en biologie et en écologie des populations, à l’adoption de quotas qui accélèrent leur renouvellement et ajustent les capacités de pêche aux ressources disponibles, grâce aussi aux collaborations que nous entretenons avec les pêcheurs et à l’utilisation d’outils de pêche intelligents, plus sélectifs. Mais il ne faut ni crier eurêka ni baisser la garde scientifique. En Méditerranée, comme dans certaines autres zones, la situation reste préoccupante. Nous devons donc poursuivre nos recherches et nos partenariats avec les pêcheurs et l’ensemble des parties prenantes pour une gestion plus durable des ressources des océans », souligne François Houllier, Président Directeur Général de l’Ifremer.
Quelques définitions : qu’est-ce qu’un bon état écologique ?
Le bon état d’une population est jugé suivant deux critères, la pression de pêche et la biomasse de reproducteurs.
- Population : ensemble des poissons d’une espèce dans une zone géographique donnée, les eaux fréquentées par les navires français étant découpées en une dizaine de zones.
- Pression de pêche : part de la biomasse de la population prélevée par la pêche.
- Biomasse de reproducteurs : quantité d’adultes en âge de se reproduire.
- Rendement maximal durable : plus grande quantité de poissons qu’il est possible de pêcher sur le long terme sans altérer la capacité de la population à se reproduire.
Conclusions des évaluations en 2019
43 % des débarquements proviennent de populations de poissons en bon état.
Pour ces populations, la pression de pêche et la biomasse sont estimées être compatibles avec l’objectif de rendement maximal durable. La proportion des populations en bon état varie en fonction des façades entre 40 et 60 %, à l’exception de la Méditerranée pour laquelle aucune population évaluée n’est aujourd’hui estimé en bon état.
6 % proviennent de populations reconstituables ou en reconstitution.
Pour ces populations, la pression de pêche est estimée conforme au rendement maximal durable. Mais la biomasse de reproducteurs est encore inférieure à cet objectif.
23 % proviennent de populations surpêchées.
Leur biomasse de reproducteurs est aujourd’hui à un niveau compatible avec le rendement maximal durable. Mais pas la pression de pêche qui risque de conduire à une baisse des populations si elle ne diminue pas.
3 % proviennent de populations surpêchées et dégradées.
Il s’agit des populations surpêchées (pression de pêche supérieure au rendement maximal durable), pour lesquelles la biomasse de reproducteurs est inférieure à celle permettant le rendement maximal durable.
2 % proviennent de populations effondrées.
La quantité de reproducteurs est insuffisante pour le renouvellement de ces populations, sans pour autant que cela conduise à l’extinction de l’espèce. L’enjeu est plutôt l’arrêt de l’activité de pêche du fait d’une rentabilité non assurée ou de mesures de gestion très restrictives.
6 % proviennent de populations non classifiées.
Le niveau de connaissance actuel ne permet pas de fixer les seuils de durabilité ou d’effondrement pour ces populations, c’est le cas de la sardine de la Manche, des roussettes, des raies, ou encore du grondin rouge.
17 % proviennent de populations non évaluées.
Ces populations ne font pas l’objet de mesures de gestion à l’heure actuelle ; elles ne sont pas évaluées. On peut citer par exemple des coquillages (vanneaux, coques, buccins), le congre, la dorade grise, ou le maigre. Leur proportion varie en fonction des façades maritimes : elle dépasse 60% en Méditerranée, mais elle est inférieure à 20 % dans les autres mers françaises.
Tendance favorable depuis 20 ans : des efforts à poursuivre
La situation s’est améliorée dans l’Atlantique nord-est sur la plupart des populations. « En moins de vingt ans, la part des populations en bon état dans les débarquements est passée de 9 % à 43 % », constate Alain Biseau, biologiste à l'Ifremer et membre du comité d’avis du CIEM (Conseil international pour l’exploration de la mer). A l’échelle européenne, la pression de pêche a fortement diminué dans les années 2000-2010, grâce à la volonté des gestionnaires et aux efforts des professionnels de la pêche, et elle diminue encore ; la biomasse des reproducteurs a augmenté de près de 40% dans le même temps.
La science a contribué à cette évolution favorable des populations. La progression des connaissances a permis d’éclairer les gestionnaires et d’appuyer leurs décisions. Les évaluations concernent maintenant plus de 160 populations de poissons pour la France métropolitaine contre 80 en 2000. La part des espèces non évaluées dans les débarquements français a baissé de 23% en 2000 à 17% en 2019. De la même manière la part des populations non classifiées est passée de 13% en 2000 à 6% en 2019. Il est donc aujourd’hui possible de prévoir l’évolution des principales populations exploitées selon différents scénarios de gestion et surtout de déterminer les niveaux de prélèvements compatibles avec l’objectif de développement durable.
Grâce aux alertes scientifiques sur l’effondrement du merlu en golfe de Gascogne et en mer Celtique, un plan d’urgence a été décidé à la fin des années 90 avec plusieurs mesures restrictives : quotas, augmentation de maillages des engins de pêche et fermeture de zones. Ce plan a porté ses fruits et la biomasse des reproducteurs est maintenant à un niveau très élevé.
Le scénario est comparable pour le thon rouge en Méditerranée, qui a connu une forte surexploitation dans les années
1990-2000. « Un plan de gestion, renforcé en 2009, a permis de réduire la mortalité par pêche suivant les seuils préconisés par les scientifiques. Depuis, la population est en cours de reconstitution », signale Jean-Marc Fromentin, biologiste à l’Ifremer, et membre de l’IPBES (Plateforme intergouvernementale sur la biodiversité). A l’exception du thon rouge, la situation reste très préoccupante en Méditerranée.
Par l’amélioration des connaissances sur la biologie et la dynamique de ces populations, l’utilisation d’outils de pêche plus sélectifs, l’adoption des quotas permettant le renouvellement des populations, et l’ajustement des capacités de pêche aux ressources disponibles, le secteur de la pêche profite aujourd’hui de ressources globalement exploitées à des niveaux plus durables. La profitabilité de la pêche a augmenté de 80% depuis 2008 au niveau européen et les tendances sont similaires en France, avec cependant une diversité des situations locales. Un maintien à des niveaux plus durables des ressources et des capacités de pêche est aussi source de profits plus durables.
En direct de la recherche : Les sardines et anchois rétrécissent. Le changement climatique en cause ?
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De nouvelles perspectives grâce à la génétique
La génétique ouvre des perspectives pour compter autrement les poissons. Notamment grâce à la méthode de l’ADN environnemental. Les organismes marins laissent des traces d’ADN dans l’eau de mer. En analysant cet ADN à partir d’un échantillon d’eau, il est possible d’évaluer leur présence voire leur abondance dans le secteur de prélèvement. L’idée est ici d’utiliser les portions d’ADN comme un code barre pour identifier l’espèce. Les premiers prélèvements d’eau ont été réalisés en novembre dernier à bord du navire océanographique Thalassa. En parallèle, un marqueur génétique spécifique a été développé pour voir si cette méthode permet de quantifier les populations de merlu. Les analyses se poursuivront en 2020. L'ADN environnemental est une des approches sur lesquelles travaille l'Ifremer, comme le marquage de poissons et l'imagerie. Elle est prometteuse car elle donne accès à toutes les espèces et pas seulement les plus abondantes. L'objectif final est de minimiser l'impact de l'observation scientifique en utilisant les dernières avancées scientifiques et technologiques.
L’Ifremer : expert scientifique et non décisionnaire
L’Ifremer opère le système d’information halieutique (SIH) qui regroupe l’ensemble des données françaises sur les populations halieutiques de notre territoire. L’Ifremer opère également les navires de la Flotte océanographique française, comme le Thalassa ou L’Europe qui sillonnent les côtes pour estimer l’abondance des poissons. En termes d’évaluation, l’Ifremer participe aux travaux des commissions scientifiques européennes ou intergouvernementales, dans le cadre de la Politique commune des pêches (PCP) et de la Directive cadre sur le milieu marin (DCSMM). L’Ifremer n’intervient pas dans les décisions de quotas : ceux-ci sont proposés par la Commission européenne, puis arbitrés par les ministres en charge des Pêches.