Une étude montre une forte baisse de la fraude d’étiquettes sur les poissons en Europe

Les nouvelles politiques mises en place par l’Union européenne pour lutter contre la fraude de poisson et promouvoir une meilleure traçabilité des produits de la pêche portent leurs fruits. Une baisse marquée et soudaine des erreurs d’étiquetage a ainsi été constatée sur les poissons vendus en supermarché, poissonnerie et sur les marchés en Europe.

C’est le résultat de la plus grande enquête jamais réalisée à l’échelle européenne. Publiée le 1er décembre 2015 dans le journal « Frontiers in Ecology and the Environment »[1], cette étude a été réalisée dans le cadre du projet européen LABELFISH (Interreg Région Atlantique, http://labelfish.eu/the-project/) auquel ont contribué des biologistes du Centre Ifremer Atlantique à Nantes. Cette meilleure transparence des chaînes d'approvisionnement des produits de la mer est importante car c'est une étape vers une exploitation plus durable et plus saine des océans.

Des différences selon les espèces et les pays

Les scientifiques de six pays européens ont analysé des échantillons de poissons vendus en supermarché, sur les marchés ou chez les poissonniers. Les poissons les plus consommés ont été étudiés, notamment la morue, le thon, l'églefin, la plie, la sole, l'espadon, l'anchois, le merlu et la baudroie.

« Entre 2013 et 2014, nous avons réalisé des tests génétiques sur des produits de la mer dans 19 villes européennes, notamment à Cardiff, Glasgow, Plymouth et Manchester, Dublin, Madrid, Marseille, Lisbonne et Hambourg » souligne Véronique Verrez-Bagnis, co-auteure de l’étude et chercheure à l’Unité Biotechnologies et Ressources Marines (BRM) au Centre Ifremer Atlantique à Nantes.

La vérification des espèces indiquées sur les étiquettes a été réalisée à partir de séquences d'ADN extraits de produits frais, surgelés et en conserve. Sur les 1563 échantillons étudiés, seulement 77 (4,9%) ont été mal étiquetés alors que des études réalisées 5 ans plus tôt avaient montré un taux d’erreur de 40% sur les étiquettes.

« J’ai été positivement surpris par les progrès réalisés, même s'il reste beaucoup à étudier dans la complexité de la chaîne logistique mondiale des produits de la mer » explique l’auteur principal de l’étude, Stefano Mariani, professeur à l'Université de Salford (Royaume Uni).

L’anchois (15,5%), le merlu (11,1%) et le thon (6,8%) sont les poissons les plus mal étiquetés. En revanche, seulement 3,5% des échantillons analysés de cabillaud et d’églefin (3%) se sont révélés mal étiquetés. Les étiquettes des échantillons de lotte, carrelet ou espadon ne contenaient aucune erreur. L'étude a révélé très peu de différences dans les conserves, produits frais ou congelés.

Dans les échantillons prélevés lors de l'étude, l'Espagne a le plus haut taux d'étiquetage incorrect (8,9%), suivie par le Portugal (6,7%), l'Allemagne (6,2%), l'Irlande (3,9%), le Royaume-Uni (3,3%) et la France (2,7% ).

Sur le chemin d’une plus grande transparence

L'étude explique que cette tendance vers un meilleur étiquetage est liée à la fois à une législation transnationale et une gouvernance accrue ainsi qu’à une plus forte sensibilisation du grand public aux questions alimentaires. Ces facteurs ont encouragé de nouvelles régulations et des principes d'autorégulation des acteurs concernés. Les résultats de l’étude européenne contrastent avec les Etats-Unis où les améliorations sont plus lentes dans ce domaine.

« Les méthodes d'identification génétiques révèlent progressivement les insuffisances de la chaîne d'approvisionnement des produits de la mer. Elles permettent de sensibiliser le public et servent de signal d’alarme aux industriels » explique Stefano Mariani.

« L’étude indique que nous sommes maintenant sur le chemin d’une plus grande transparence, ce qui devrait aider à la gestion des stocks exploités dans le monde entier. En revanche, d’autres études sont nécessaires pour obtenir une compréhension complète de l’état actuel du commerce de poisson, en étudiant notamment les restaurants et les ventes aux enchères de poisson » conclut Stefano Mariani.

L’étude a été menée par l’Université de Salford (UK), Instituto de Investigaciones Marinas (Espagne), Vigo; Max Rubner-Institute Kiel (Allemagne); Centre Ifremer Atlantique à Nantes (France), l’Institut Portugais de la Mer et de l’Atmosphère (Lisbonne) et la Indigo Rock Marine Research Station, Cork (Irlande).

[1] S Mariani et al; Stefano Mariani, Andrew M Griffiths, Amaya Velasco, Kristina Kappel, Marc Jérôme, Ricardo I Perez-Martin, Ute Schröder, Veronique Verrez-Bagnis, Helena Silva, Sara G Vandamme, Belgees Boufana, Rogerio Mendes, Marc Shorten, Cat Smith, Elizabeth Hankard, Samantha A Hook, Alice S Weymer, Daryl Gunning, Carmen G Sotelo; Low mislabeling rates indicate marked improvements in European seafood market operations; Frontiers in Ecology and the Environment 2015; 13(10): 536–540, doi:10.1890/150119