Des fibres d’origine marine pour matériaux composites…

Paris, le 25 octobre 2007

Publiée dans la revue scientifique Journal of Materials Science, une étude sur les propriétés des fibres issues de plantes à fleurs marines de la côte baltique pourrait apporter de nouvelles perspectives dans la prospection de structures biodégradables. Ces recherches sont menées par Peter Davies, scientifique au Département Essais et Recherches Technologiques du centre Ifremer Brest, en collaboration avec l’Université de Bretagne Sud et le CNRS à Rouen.

Zostera marina
L’espèce Zostera marina appartient au groupe des phanérogames marines, seules angiospermes1 adaptées à la vie marine en condition d'immersion permanente. Les douze espèces du genre Zostera colonisent les fonds meubles (graviers, sables, vases) des zones littorales de nombreuses mers et lagunes et de la majorité des océans. Ces plantes sont très importantes pour l’environnement côtier, notamment sur les plans faunistique et floristique (hétérogénéisation de l'habitat favorisant la diversité et l'abondance, abri pour les juvéniles et les adultes reproducteurs de crevettes et de poissons). Leur production primaire est importante, permettant à la fois d'oxygéner les eaux et les sédiments et de fournir de grandes quantités de matière qui enrichissent la laisse de mer.
Les zostères étudiées dans le cadre de ce travail n’ont pas été prélevées en mer (Zostera marina est une espèce protégée dans de nombreuses région du monde), mais ont été recueillies sur les plages de la mer Baltique où elles s’étaient échouées.
Les fibres végétales, de multiples usages
Très riches en cellulose (le constituant principal des parois cellulaires), les fibres végétales sont depuis longtemps utilisées par les industriels dans la composition de matériaux. La cellulose des végétaux est composée de polymères de glucose à très longue chaîne, structurés naturellement en micro-fibrilles. Ces caractéristiques ont été notamment utilisées pour des applications «structurelles », en particulier pour la fabrication de câbles.
Depuis quelques années, l’intérêt pour ces éléments naturels s’est accentué en raison de la recherche accrue de matériaux propres, notamment dans le domaine du renforcement des polymères pour des pièces automobiles.
Toutes les fibres utilisées actuellement sont basées sur la cellulose de plantes terrestres. Jusqu’à présent, très peu de recherches ont été menées sur les fibres d’origine marine. Pourtant, comme le prouve cette étude, l’océan regorge de ressources potentiellement exploitables.

Les résultats
Les fibres issues de Zostera marina sont composées d’environ 57 % de cellulose, de 38 % de polysaccharides non-cellulosique (essentiellement du xylan) et de 5 % d’une matière résiduelle appelée lignine de Klason. Cette composition est très différente des compositions de fibres issues de plantes terrestres.
Bien que les fibres de Zostera marina soient moins rigides que les fibres en verre, leur intérêt réside dans le fait qu’elles présentent à la fois une rigidité importante et une faible densité (1.000-1.500 kg/m3 contre 2.700 kg/m3 pour les fibres de verre). Ces fibres pourraient donc fournir un renforcement attractif pour les matériaux composites, d’autant qu’elles s’intégreraient parfaitement au développement de structures biodégradables. Ainsi, la rigidité des fibres individuelles issues de Zostera marina varie entre 10 GPa (à titre de comparaison, la raideur de l’aluminium est de 70 GPa) et 28 GPa selon les expériences. Elle est donc beaucoup plus élevée que nombre de fibres polymères industrielles, comme le polyamide, le nylon (environ 5 GPa) ou le polyester (environ 13 GPa).
Les travaux réalisés au cours de l’étude ont également montré que les fibres issues de l’espèce Zostera marina sont de petit diamètre (environ 5 µm), similaire au diamètre des fibres de carbone utilisées dans le renforcement des composites dans l’industrie aéronautique et beaucoup plus faible que celui du verre ou que celui de la plupart des autres fibres naturelles.

Les perspectives
Dans le cadre d’un nouveau projet du Pôle Mer Bretagne, NavEcoMaT, les fibres naturelles seront évaluées comme renfort potentiel de bio-composites pour des applications de structures de bateaux.
Ce projet propose en effet la conception d’un matériau bio-composite haute performance, constitué d’un support en fibre végétale et d’une matrice ou liant biodégradable, compatible avec les contraintes de fabrication et d’utilisation des petites unités de plaisance.
La réalisation, à terme, d’une embarcation prototype, permettra de développer une méthodologie d’éco-conception adaptée, de tester et valider la résistance et les performances du bateau, mais aussi de réaliser son éco-bilan durant son cycle de vie global, de la construction à la fin de vie.

Particulièrement abondantes dans le milieu naturel, les fibres de lin seront principalement étudiées. Cependant, une partie des recherches sera consacrée aux fibres d’origine marine. Il n’est donc pas impossible d’imaginer qu’un jour un bateau soit conçu à partir de biopolymères d’origine marine, renforcés de fibres issues de zostères !

Plasmor, le Groupe Finot et Ahlstrom sont les entreprises partenaires du projet qui associe des chercheurs de l’Université de Bretagne Sud et de l’Ifremer.
L’association « Reporter Bleu », présidée par la navigatrice Catherine Chabaud, participera également à la définition du cahier des charges du bio-composite et du prototype, et contribuera à la réflexion sur l’éco-conception et la promotion du projet dans le milieu du nautisme.

1 Les Angiospermes sont les plantes à fleurs, donc les végétaux qui portent des fruits. Les Angiospermes représentent la plus grande partie des espèces végétales terrestres, avec plus de 220 000 espèces.