Mieux connaître les nourriceries côtières pour préserver la biodiversité marine

L’Ifremer organise chaque année dans le golfe de Gascogne la campagne NURSE dont l’objectif est de mieux connaître le fonctionnement et l’état de santé des nourriceries côtières, ces écosystèmes où se développent les jeunes poissons. NURSE16 s'inscrit dans cette série de campagne démarrée au début des années 1980 et participe à l’évaluation du « bon état écologique » réalisée par la Directive-cadre stratégie pour le milieu marin (DCSMM).

La campagne côtière NURSE16 s’est déroulée du 13 au 26 août à bord du Thalia et était consacrée à l’étude de trois nourriceries de poissons plats du golfe de Gascogne : l’embouchure de la Gironde, de la Loire et la baie de Bourgneuf. « Cette année, nos efforts d’échantillonnage étaient particulièrement dirigés vers l’embouchure de la Loire, zone dont nous connaissions très mal les interactions trophiques », précise Anik Brind’Amour, chercheure à l’Unité Ecologie et Modèles pour l’Halieutique et cheffe de la mission NURSE16.

Les estuaires et les côtes : zones de nourricerie

Riches en nutriments et abritées des grands prédateurs, les zones côtières et les estuaires forment des écosystèmes essentiels à la croissance des poissons juvéniles. De nombreuses espèces passent leurs premières années dans ces nourriceries côtières, qui offrent un environnement protecteur idéal, avant de gagner le large quand leur taille le permet.

Soles, plies, rougets, merlans, seiches, tacauds… Les spécimens capturés par les scientifiques de l’Ifremer sont identifiés, mesurés et pesés. Les données obtenues (espèces présentes, abondance, taille…) dans chacun des sites sont autant d’éléments qui contribueront à la compréhension du fonctionnement des écosystèmes côtiers. « Pour des questions de capturabilité des espèces ciblées, les campagnes se tiennent entre fin août et début septembre. À cette période, les juvéniles atteignent une taille capturable avec le chalut à perche utilisé », explique Anik Brind’Amour.

Des écosystèmes fragilisés

Ces habitats déterminants dans la phase de développement des jeunes poissons sont particulièrement exposés aux activités humaines (pollution, pêche…) et sensibles aux changements climatiques. La dégradation des nourriceries côtières modifie le comportement des poissons et met en danger de nombreuses espèces marines. « Notre objectif est notamment de comprendre comment la faune qui peuple les nourriceries s’adapte aux modifications de son environnement », souligne la scientifique.

« Actuellement, nous assistons par exemple à un phénomène de marinisation des estuaires, c'est-à-dire une remontée des eaux marines vers l'amont des fleuves, qui peut s'expliquer par la hausse des prélèvements en eau pour l’irrigation, la modification du lit des cours d’eau ou alors par des phénomènes d'ordre climatique. Les jeunes poissons trouvent au niveau des estuaires des conditions favorables à leur survie et une nourriture abondante, notamment grâce aux nutriments transportés par les fleuves, or cette marinisation entraîne des changements notables sur les espèces des écosystèmes côtiers. Par exemple, nous avons observé en Gironde que ce phénomène favorisait certaines espèces marines comme la sole, au détriment des espèces amphihalines (alternant entre le milieu marin et l’eau douce) comme l'alose », explique Anik Brind’Amour. 

La qualité des habitats côtiers conditionne la taille des stocks

Chaque année, les recrues, jeunes poissons atteignant une taille suffisante pour être exploitable par la pêche, rejoignent le stock. En bon état écologique, les nourriceries côtières contribuent fortement au renouvellement des stocks halieutiques. Les campagnes NURSE peuvent fournir des données importantes pour comprendre les variations du recrutement d’une année sur l’autre.

« En permettant une meilleure connaissance de l’état écologique et du fonctionnement des peuplements côtiers, les campagnes NURSE offrent des informations essentielles pour développer une gestion durable des ressources marines, restaurer les écosystèmes fragilisés mais aussi pour limiter les pertes de biodiversité », conclut Anik Brind’Amour.