Un futur satellite pour mesurer les courants marins et les vagues

L’Agence Spatiale Européenne vient d’annoncer sa sélection pour le « Earth Explorer » numéro 9 : parmi les deux finalistes, figure le projet de satellite « SKIM » proposé par une équipe internationale menée par le Laboratoire d’océanographie physique et spatiale (LOPS/ IUEM, CNRS / UBO / Ifremer / IRD). L’équipe SKIM, qui fédère 30 centres de recherche dans le monde, propose d’utiliser une nouvelle méthode de mesure par radar Doppler. Le lancement est programmé pour 2025.

Pourquoi un nouveau satellite ?

La surface océanique définit les échanges entre océan, atmosphère, surface continentale et cryosphère. Ces échanges dépendent en partie des courants de surface et des vagues. Par ailleurs les courants de surface transportent tout ce qui se trouve à la surface : chaleur, plancton, microplastiques… La connaissance des courants de surface est donc essentielle pour caractériser les mouvements de l’océan, en particulier à des échelles inférieures à 100 km.
Le manque d'informations sur ces courants est particulièrement criant en zone tropical où il est difficile de relier le courant de surface au niveau de la mer. Une autre région d’intérêt est la bordure des glaces de mer. L’océan Arctique est le lieu de fortes interactions entre les courants marins, la glace de mer, les vagues et l’atmosphère, et ces phénomènes sont très difficiles à observer avec les moyens actuels.

SKIM c’est quoi et comment ça marche ?

La mission « Sea surface Kinematics Multiscale » (SKIM) va ouvrir une nouvelle ère dans l’observation de l’océan, celle de l’océanographie Doppler. Il s’agit de mesurer le courant directement par effet Doppler, de la mêmemanière qu’on mesure la vitesse des voitures sur l’autoroute. SKIM sera une expérience de 5 ans et permettra de faire des mesures importantes pour comprendre l’évolution du climat, de l’équateur jusqu’aux pôles.

En utilisant une orbite polaire, SKIM pourra couvrir l’ensemble des océans jusqu’à 82° de latitude, avec un passage tous les jours pour des latitudes supérieures à 70°, et tous les 4 jours à l’équateur. La précision escomptée pour les mesures est de 0,1 m/s à une résolution de 40 km. SKIM pourra mesurer les courants océaniques et les tourbillons de diamètre supérieur à 80 km, ce qui est un net progrès par rapport aux moyens actuels. SKIM sera aussi capable de mesurer le spectre des vagues (la répartition de leur énergie en fonction des longueurs d’onde et directions), pour des longueurs supérieures à 20 m.
Les principales innovations techniques exploitées par SKIM sont un radar millimétrique (bande Ka) avec un mode Doppler, et son intégration dans un système de rotation de faisceaux inspiré de la mission CFOSAT.

Des objectifs scientifiques ambitieux

  • un suivi des courants tropicaux et de la structure de l'upwelling (remontée d’eaux profondes) équatorial,
  • une observation de l'évolution rapide des zones marginales de glace,
  • une mesure des états de mer, en particulier pour les risques côtiers et les vagues extrêmes,
  • des mesures utiles pour mieux interpréter d'autres données (radiométrie en bande L, altimétrie…)grâce à une résolution spectrale des vagues, et une mesure conjointe des vagues et courants.

D'autres objectifs à plus long terme sont la mesure de la tension du vent à l'échelle des tourbillons  océaniques, la mesure des courants dans les fronts, et la cartographie des sources de microséismes.