Parole de scientifique #3 : Pourquoi est-il important de surveiller les microalgues sur nos côtes ?

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Trois questions à Maud Lemoine, biologiste et coordinatrice des réseaux de surveillance des microalgues dans l'eau de mer et des toxines dans les coquillages

Les microalgues (ou phytoplancton) produisent la moitié de l’oxygène que nous respirons. Elles constituent la base de la chaine alimentaire des océans. Mais certaines espèces sont toxiques. Sur les 5000 espèces connues à ce jour, seule une vingtaine produit des toxines dans nos eaux littorales.

Au printemps, à la faveur d’une température de l’eau de mer plus chaude et des jours plus longs, elles peuvent proliférer sous forme de « blooms » ou efflorescences. Ces phénomènes naturels obligent parfois les préfectures à interdire temporairement la consommation d’huîtres, de moules ou d’autres coquillages provenant de zones de production contaminées par les toxines de certaines de ces microalgues. Dans sa mission d’appui aux politiques publiques, l’Ifremer surveille depuis plus de 30 ans le phytoplancton et les microalgues toxiques à travers deux réseaux nationaux[1] déployés sur les façades maritimes de l’hexagone et de l’Outre-mer.

1. Les microalgues toxiques sont-elles être dangereuses pour l’Homme ?

Les espèces toxiques peuvent causer temporairement aux consommateurs de coquillages contaminés des troubles similaires à la gastro-entérite (Dinophysis) ou des troubles neurologiques (Alexandrium, Pseudo-nitzshia) parfois graves. En surveillant de près leur présence sur notre littoral, l’Ifremer est en mesure d’alerter les services de l’Etat sur ces risques sanitaires. En Méditerranée, la baignade peut être perturbée par la toxine volatile Ostreopsis à l’origine d’irritations des voies respiratoires.

2. Les microalgues peuvent-elles être nuisibles pour l’environnement ?

Certaines microalgues, même inoffensives, ont des impacts désastreux pour le milieu marin lorsqu’elles « blooment », colorant les eaux en rouge, orange ou vert selon les espèces. En se décomposant en grande quantité, elles peuvent consommer tout l’oxygène d’une zone. Les poissons, les coquillages et leurs larves meurent alors d’asphyxie ou étouffés par le mucus secrétés par certaines espèces. Nous savons que les blooms sont boostés par l’augmentation de la quantité de nutriments dans l’eau due aux activités humaines (rejets urbains, agricoles, industriels de phosphate et de nitrate) et/ou à des épisodes météorologiques. En 2010, la tempête Xynthia a provoqué des blooms intenses pendant plusieurs mois.

3. Les blooms de microalgues toxiques sont-ils plus fréquents qu’avant ?

Dans certaines régions du monde, les scientifiques observent de plus en plus de blooms. En France, nous ne percevons pas cette tendance. Cette différence est-elle liée à des changements environnementaux (hausse de la température et du CO2 dans l’atmosphère) plus marqués selon les régions ou par le simple fait que ces pays surveillent plus leur littoral qu’avant ? Plus on cherche de blooms, plus on en trouve ! Les données de la surveillance des microalgues sont utilisées comme un indicateur de la qualité de l’eau. Elles nourrissent également la recherche scientifique pour trouver des solutions pour mieux gérer les activités humaines sur le littoral et limiter ainsi les risques pour la santé. Face aux changements environnementaux à venir, nous restons vigilants et traquons depuis 2018 dans le cadre d’un projet européen toutes les nouvelles microalgues toxiques qui pourraient émerger demain dans nos eaux.

 

Tous à la rescousse ! vos observations nous intéressent. Participez au programme de science participative Phenomer en signalant les phénomènes d’eaux colorées que vous pourriez-observer sur la côte : Rendez-vous sur https://www.phenomer.org/

[1] Réseau d’observation et de surveillance du phytoplancton et de l’hydrologie dans les eaux littorales (Rephy) et le Réseau de surveillance des phycotoxines dans les organismes marins  (Rephytox)