J-2 à J-5 : carottages
Trois carottages ont été réalisés durant le transit dans le cadre du projet Amigo avec le carottier multitube. Deux seulement ont été réussis.
A une moyenne de 5000m de profondeur, le plancher de l’Atlantique entre les côtes et la dorsale médio-océanique où nous effectuerons nos observations, est une vaste étendue couverte des sédiments qui tombent de la surface depuis des millions d’années. Longtemps perçues comme un désert, ces étendues abritent pourtant une grande diversité d’organismes, pour la plupart microscopiques. Près de 95% de ces régions restent inexplorées aujourd’hui.
Pour mieux comprendre la vie qui peuple ces plaines sédimentaires, nous effectuons des carottages des sédiments superficiels (quelques dizaines de centimètres) à l’aide d’un engin déployé par un treuil depuis le bord du N/O Pourquoi pas ? : le carottier multitube.
Celui-ci va se planter sur le fond et ses 8 tubes ouverts vont permettre de prélever sans perturber la couche de sédiment à l’interface avec l’eau du fond. C’est une opération délicate qui requiert de l’expertise du géologue pour analyser la nature du fond et de l’expérience du bord pour la mise en œuvre du carottier.
En effet, sous le manteau de sédiment le plancher n’est pas toujours une tranquille plaine mais peut présenter des rides et monts escarpés surplombant le fond de plus de 1000m. Avant d’envoyer le carottier, il faut donc s’assurer d’avoir une bonne couche de sédiment et un terrain plat. Pour cela, on utilise un sondeur de sédiment qui nous renseigne sur la nature des couches superficielles du fond (meuble ou induré) et un sondeur multifaisceaux qui nous en indique la topographie.
Dès que le fond est favorable, on arrête le bateau pour déployer le carottier. En une heure et quart, il atteint le plancher océanique. Le planté du carottier, puis son arrachage du fond sont des étapes délicates pour s’assurer de la qualité de l’échantillon rapporté, seulement détectées 5000 mètres plus haut par d’infimes sauts dans la tension du treuil. L’expérience du bord nous a permis un quasi sans faute jusqu’ici !
Une fois le carottier revenu en surface et hissé sur le pont, l’équipe des biologistes se hâte de récupérer les carottes pour les apporter en chambre froide où elles seront rapidement conditionnées : pour les analyses de biodiversité, elles seront découpées en tranches (appelées horizons) puis congelées pour le retour à terre.
Plus tard au laboratoire, on y pratiquera une extraction d’ADN directement à partir du sédiment congelé (ADN environnemental), puis cet ADN sera séquencé et analysé pour en extraire des codes-barres moléculaires à l’aide de méthodes dites haut débit qui permettent de traiter d’énormes jeux de données. Puis on remontera à partir des fiches d’identité que sont ces codes-barres moléculaires aux organismes qui étaient présents dans notre échantillon de sédiment.
Pour cela, il faut que nos « suspects » soient connus dans la base des fiches d’identité, ce qui est encore loin d’être le cas dans les grands fonds ! C’est pour cette raison que d’autres analyses de tri faunistique du sédiment et de description des organismes seront également réalisées afin d’enrichir cette base de données et de permettre l’utilisation de l’ADN environnemental pour décrire la diversité des grands fonds.