Plus de 2600 sorties de méthane découvertes dans le Golfe de Gascogne : que devient ce gaz dans l’océan ?

Des chercheurs de l’Ifremer ont découvert un vaste système actif de plus de 2 600 sorties de méthane dans le Golfe de Gascogne. Étendu sur environ 375 km2, il se compose d’encroûtements de roches carbonatées formés à 200 m de fond par la dégradation du méthane.
C’est un site unique en France et rare dans le monde au regard de ses particularités : il s’agit d’un système de sorties de méthane microbien peu profond, situé à 70 km des côtes, et dégageant des volumes importants de méthane.
Cette découverte a été réalisée dans le cadre du projet Pamela (Passive margins exploration laboratories). Elle fait l’objet d’une publication dans la revue Geophysical Research Letters.

Depuis plusieurs années, les scientifiques des campagnes d’évaluation des stocks de poissons dans le Golfe de Gascogne avaient repéré sur leurs écrans de contrôle des anomalies acoustiques dans la colonne d’eau. Informés de ce phénomène, les géologues ont lancé deux campagnes en mer en 2013 à bord des navires océanographiques le Suroît et le Pourquoi pas ?

Lors de ces campagnes, le ROV Victor 6000 a scruté cet étonnant paysage sous-marin sous toutes ses coutures. Sur les images prises par le robot, les scientifiques ont pu observer des reliefs rocheux d’où s’échappaient ici et là des bulles de gaz.

« La concentration en gaz est suffisamment importante pour que celui-ci s'échappe sous forme de bulles du fond marin dans l'eau de mer, explique Stéphanie Dupré, géophysicienne et spécialiste des fluides à l’Ifremer. Nous avons observé ces échappements de méthane sur 2612 sites, tous situés à faible profondeur d’eau, entre 140 et 220 m, le long du bord du plateau continental aquitain».

Les fonds marins sont recouverts de carbonates dits authigènes dérivés du méthane. Ces roches sont des sous-produits de la circulation de ce gaz. Elles forment des chaussées et des monticules de plusieurs mètres de diamètre en moyenne et de moins de 2 m de haut.
En se basant sur le taux de croissance classique de ce type de carbonates, les scientifiques ont déduit que la circulation du méthane a débuté depuis au moins quelques milliers d'années.

L’origine de ce méthane encore mystérieuse

« Ce méthane n’est pas lié à la présence d’hydrocarbure profond comme c’est souvent le cas, souligne Stéphanie Dupré. C’est un méthane microbien issu de la dégradation de la matière organique présente dans les sédiments ».
Il pourrait provenir des couches de dépôts sédimentaires très riches en matière organique datés du Pléistocène (-2,58 millions d'années à ¬-11 700 ans) ou encore plus récents, mais pour le savoir, « nous devrons pousser l’enquête plus loin par des investigations sismiques, des carottages et des forages ».

144 tonnes de méthane s’échappent chaque année  

La quantité de méthane libérée du fond dans la colonne d'eau a été estimée à 144 tonnes par an sur l’ensemble de la zone. Une quantité à relativiser en comparaison avec celle rejetée chaque année par les bovins en France qui atteint un million de tonnes. Mais cette découverte invite à penser que du méthane peut s’échapper à d’autres endroits encore inconnus.

« La quantité de méthane relarguée dans les océans est peut-être plus importante que ce que l’on pensait jusqu’alors »,  suggère Stéphanie Dupré.

Tout ce méthane ne rejoint pas l’atmosphère, une partie se dissout ou s’oxyde dans la colonne d’eau, une autre précipite sous forme de carbonate. Pour évaluer la part des volumes de chacun, de nouvelles acquisitions de données sont nécessaires. Le méthane a un pouvoir de réchauffement 28 fois supérieur à celui du CO2. Il est donc essentiel d’étudier plus précisément son devenir dans l’océan et son éventuel passage dans l’atmosphère pour déterminer sa contribution au réchauffement climatique.

Lire l’article « The Aquitaine Shelf edge (Bay of Biscay): a primary outlet for microbial methane release », Geophysical Research Letters, mars 2020.

Consulter le Dossier de presse du projet Pamela