Déchets marins en Méditerranée : une hausse modérée et une mission en cours

Depuis 2009, la quantité de déchets marins en Méditerranée a augmenté modérément, mais suffisamment pour qu’elle se hisse ainsi à la première place des mers d’Europe les plus polluées. C’est le résultat du premier suivi sur le long terme des déchets marins méditerranéens mené par l’Ifremer et publié dans la revue Marine Pollution Bulletin.
Dans le même temps et jusqu’au 29 juillet, des scientifiques de l’Ifremer sont en mission au large de la Corse pour caractériser cette pollution et plus particulièrement les déchets flottants. Objectif : photographier ces déchets de subsurface grâce à une caméra fixée sur un Wave Glider, un engin hybride entre le drone et le paddle !
 

Les quantités de déchets marins augmentent en Méditerranée

Une vaste étude de suivi sur le long terme (de 1994 à 2017) des déchets marins méditerranéens menée par l’Ifremer est publiée dans le Marine Pollution Bulletin. Résultat : si la quantité de déchets marins en Méditerranée fluctue chaque année, elle affiche néanmoins une augmentation globale depuis 2009. 

Sacs et bouteilles plastiques, canettes métalliques et emballages alimentaires, cordes synthétiques et filets de pêche, cotons et vêtements… Un article scientifique publié dans Marine Pollution Bulletin montre que la quantité de déchets a récemment augmenté sur le fond de la Méditerranée. « Dans les années 90, leur densité fluctuait autour de 100 déchets par km2, constate Olivia Gérigny, chercheuse océanographe au Centre Ifremer de Toulon, auteur de l’étude. Depuis 2012, cette densité se situe plutôt autour de 200 déchets par km2, avec un maximum de près de 300 atteint en 2015. Le plastique représente plus de 60 % de ces déchets ».
Cette augmentation globale s’explique par une augmentation de la production de plastique sur cette même période mais aussi par leur recensement plus systématique depuis l’application de la Directive européenne Cadre Stratégie sur le Milieu Marin en 2008.

Des déchets présents sur 90 % de la zone d’étude, à toutes les profondeurs

En termes de répartition géographique, on retrouve ces macro-déchets sur près de 90 % de la surface échantillonnée dans les deux zones d’étude : le Golfe du Lion et la côte orientale corse. « La Méditerranée est la mer européenne la plus polluée par les déchets, explique Olivia Gérigny. Dans une étude comparable menée en mer du Nord, les densités annuelles restaient inférieures à 50 déchets par km2, ce qui correspond aux valeurs minimales rencontrées ici ».

Tous les canyons sont affectés, davantage ceux proches des côtes que ceux plus au large. Deux autres zones principales d’accumulation de déchets se distinguent : l’une au large de Marseille, l’autre au nord-est de la Corse. Les déchets marins sont transportés depuis la terre, par les cours d’eau ou les intempéries. D’autres sont jetés directement en mer ou sur les plages. Les sources sont multiples : la navigation commerciale ou de plaisance, la pêche, l’aquaculture, les décharges, les zones industrielles ou urbaines. Chaque année dans le monde, 8 millions de tonnes de plastiques sont déversées dans les océans, dont 200 000 tonnes en Méditerranée.
Même si leur effet n’est pas encore visible, les récentes réglementations de restriction de l’usage du plastique à l’échelle française ou européenne devraient permettre de réduire les rejets à la mer. Le prochain bilan complet est prévu en 2024, dans le cadre de la Directive Cadre Stratégie pour le Milieu Marin (DCSMM).

Consulter la publication : “Seafloor litter from the continental shelf and canyons in French Mediterranean Water: distribution, typologies and trends”. 2019. O. Gérigny, M. Brun, MC Fabri, C. Tomasino, M. Le Moigne, A. Jadaud and F. Galgani. Marine Pollution Bulletin. 653-666. https://www.sciencedirect.com/science/article/pii/S0025326X19305612

Un drone mis à l’eau pour photographier les déchets plastiques flottants

Jusqu’au 29 juillet, le Wave Glider de l’Institut régional de météorologie de Livourne et de l’Ifremer parcourra 200 kilomètres autour de Bastia et du Canal de Corse pour photographier les déchets plastiques flottants dans la couche d’eau de sub-surface. Cette mission en mer se déroule dans le cadre du projet européen Interreg Amare (2014-2020) qui vise à mettre au point des stratégies harmonisées de surveillance et d’évaluation de la pollution par les déchets en Méditerranée.

« Les déchets flottants constituent la partie visible de l’iceberg, souligne François Galgani, chercheur océanographe à la station Ifremer de Bastia. L’évaluation de leur densité fait d’ailleurs l’objet d’une mesure imposée par la directive cadre stratégie pour un milieu marin et par l’objectif développement durable 14 de l’ONU ». En 2013 et 2018, cet engin avait fait l’objet de premiers tests de courte durée, dénombrant environ 6 débris plastiques par km².

Doté d’une caméra pour la première fois

Composé d'une planche flottante aux allures de paddle reliée à un drone sous-marin, cet engin se déplace à la seule force des vagues. « C’est la première fois qu’un wave glider est équipé d’une caméra, annonce François Galgani. Une GOPRO 3 est fixée sur la carène du drone immergé à 4,5 mètres de profondeur. Elle est orientée de manière à prendre des clichés de la subsurface (entre 0 et 4,5 mètres). A raison d’une vitesse de déplacement moyenne de 1,5 nœuds (2,8 km/h), nous avons calculé la fréquence de prise d’une photo toutes les 7 secondes pour couvrir toute la surface parcourue ». En 8 jours, le Wave Glider doit prendre environ 100 000 images.

7 jours sur 7, 24 heures sur 24, par tous les temps…

« L’utilisation du Wave Glider est une aubaine pour nos recherches, se réjouit le scientifique. On ne peut en effet pas financièrement affréter un navire pour une longue mission dédiée au seul comptage des déchets en mer, cela coûte trop cher ». C’est pourquoi d’ordinaire, le comptage des déchets flottants en mer est effectué par des observateurs à bord de navires lors de campagnes halieutiques ou océanographiques. Désormais, le Wave Glider permet d’effectuer ces observations à prix réduit, toute la journée et à très grande échelle, même dans les zones les plus reculées et extrêmes où les navires s’aventurent peu.

Pour cette mission, le Wave Glider est également équipé d’un capteur d'hydrocarbures dont les performances sont testées. A terme, ce capteur pourrait assurer une surveillance régulière permettant de caractériser l’impact des hydrocarbures venant des ports sur les zones marines protégées (Projet Interreg Marittimo Impact)

En savoir plus sur le projet AMARE et le projet IMPACT

Le Wave Glider, un drone sous-marin autonome en énergie

Equipé d’un ballast, le Wave Glider utilise la seule énergie des vagues pour avancer. Bardé de panneaux solaires pour alimenter ses instruments, il est piloté par des moyens satellites ou par GSM. Capable d’évoluer en milieu hostile sur des durées de plusieurs semaines ou mois, il collecte et/ou les transmets à distance. Il peut être équipé de différents capteurs pour effectuer en temps réel des mesures aussi bien météorologiques qu’océanographiques, de surveillance du trafic maritime ou de la pollution. Il a déjà été utilisé à plusieurs reprises notamment en 2017 pour surveiller l’activité volcanique dans l’archipel d’Ogasawara au Japon et prévenir la formation d’un éventuel tsunami ; ou encore en 2012 pour explorer l’œil d’un ouragan et y caractériser les phénomènes physiques ayant cours.