21 millions d’euros d’investissement : Argo France doté de nouveaux moyens pour sonder l’océan

Grâce à la profusion des données marines collectées dans le sillage des flotteurs autonomes du réseau Argo, les secrets de l’océan sont de moins en moins impénétrables. Pour éclairer plus encore la compréhension de l’océan et sa réponse au changement climatique, 21 millions d’euros seront investis à travers trois nouveaux projets portés par l’Ifremer, Sorbonne Université, le CNRS, le Shom et l’Université de Bretagne occidentale et destinés au soutien et développement de Argo France. À la clé : une contribution de 80 flotteurs par an au programme international Argo, de nouveaux capteurs qui enrichiront l’éventail de données recueillies et des flotteurs capables de plonger jusqu’à 6000 mètres.

Il y a 20 ans encore, il fallait une décennie de campagnes océanographiques pour obtenir une image globale de l’océan en termes de température, salinité et autres paramètres. Aujourd’hui grâce au programme international Argo lancé au début des années 2 000, les scientifiques disposent de cette « cartographie » complète de l’océan de la surface à 2 000 mètres de profondeur, tous les 10 jours. Un pas de géant dans la connaissance de l’océan. Cette surveillance en temps réel est réalisée par des flotteurs autonomes déployés in situ aux quatre coins des mers du monde.

Le principe : largués depuis des navires, ces instruments sous-marins autonomes dérivent pendant 6 ans au gré des courants et prennent le « pouls » de l’océan à différentes profondeurs, en surface et dans la colonne d’eau. Les données recueillies sont ensuite transmises via satellite à la communauté scientifique.

Déjà 4 000 flotteurs en mission surveillance

On compte aujourd’hui 4 000 flotteurs Argo actifs sur les océans du monde, précieux pour étudier les liens étroits entre océan et climat mais aussi pour valider les données océanographiques acquises depuis l’espace par les satellites et alimenter les modèles opérationnels de prévision océanographique et météorologique.

D’abord conçus pour mesurer la température et la salinité des deux premiers kilomètres de l’océan (flotteurs standards), les flotteurs Argo se sont progressivement dotés de nouveaux capteurs biogéochimiques pour étudier l’acidité (le pH) ou la quantité d’oxygène dans l’eau, la chlorophylle, la lumière, le nitrate (flotteurs BGC). Ils ont également augmenté leur capacité et certains d’entre eux sont maintenant capables de faire des mesures jusqu’à 4 km voire 6 km de profondeur (flotteurs profonds).

Une nouvelle phase d’Argo à l’appareillage

Grâce à ce mouvement d’amélioration continue des flotteurs, le programme Argo entre dans une nouvelle phase, appelée OneArgo, qui vise une extension aux plus grandes profondeurs (Deep Argo) et le développement du réseau de flotteurs équipés de capteurs bio-géochimiques (BGC Argo). OneArgo permettra de répondre à de nouveaux enjeux scientifiques sur le rôle de l’océan profond sur le climat, la désoxygénation et acidification des océans, ou encore le cycle du carbone. Pour cela, OneArgo doit maintenir 4 700 flotteurs (2 500 standards, 1 200 profonds et 1 000 BGC) en opération dans l’ensemble des océans, nécessitant un déploiement de 800 nouveaux flotteurs par an.

La contribution de la France à ces évolutions du programme Argo sera significative avec 21 millions d’euros investis dans le cadre de 3 projets distincts (voir encadré ci-dessous) :  

A quoi vont servir ces financements ?

Ces fonds vont permettre l’achat de flotteurs classiques, BGC et profonds pour étoffer le réseau Argo, et de développer et tester des flotteurs plus perfectionnés avec une fiabilité et une durabilité améliorées. Au total, ce sont environ 80 flotteurs par an qui devraient être mis à l’eau à l’initiative d’Argo France durant la prochaine décennie, soit 10 % des efforts internationaux et de l’ordre de 30 % des efforts visés par l’Europe via l’Euro-Argo ERIC.

Des données en direct de la twilight zone* et des abysses

« Les nouveaux flotteurs profonds Deep Arvor capables de recueillir des données jusqu’à 6000 mètres vont nous aider à quantifier et comprendre comment l’excès de chaleur absorbé par l’océan dû au réchauffement climatique se répartit dans les couches profondes au-delà de 2 000 voire 4 000 mètres de profondeur, explique Virginie Thierry, océanographe physicienne à l’Ifremer. Nous pourrons ainsi évaluer l’impact de la dilatation de l’océan profond en réponse à ce réchauffement sur l’élévation du niveau de la mer ».

« La mise au point de ces flotteurs profonds exige des améliorations technologiques majeures notamment en termes de résistance à la pression qui est 600 fois plus forte à 6 000 m de fond qu’à la surface, précise Xavier André, ingénieur en instrumentation marine à l’Ifremer. Et nous devons également développer de nouveaux capteurs acoustique et d’imagerie dédiés à la recherche écologique marine. »

« Ces nouveaux capteurs nous permettront de mieux mesurer la quantité de zooplancton et de petits poissons présents dans la Twilight Zone*, avance Fabrizio D’Ortenzio, directeur de recherche CNRS au laboratoire d'océanographie de Villefranche - LOV (CNRS-Sorbonne université). Encore méconnue, cette zone joue pourtant un rôle fondamental aussi bien dans la chaîne alimentaire marine que comme pompe à carbone de l’océan, enjeu crucial pour la régulation du climat ».

Ces avancées technologiques ouvriront le champ d’application d’Argo à l’écologie marine et solutionneront à terme le problème du sous-échantillonnage chronique dans les couches profondes de l’océan. À l’aide de ces nouvelles données clés, la carte d’identité de l’océan se dessinera de façon plus limpide jusque dans les profondeurs abyssales.

*La twilight zone est la zone dite crépusculaire  de la colonne d’eau située entre 100 et 1 000 m de profondeur.

Les objectifs par projet

Le projet ObsOcean du CPER Bretagne

Il prévoit l’acquisition de flotteurs et la gestion des données acquises pour la nouvelle phase d’Argo 2021-2027 : flotteurs standards, dont certains avec capteurs d’oxygène, flotteurs profonds faisant des mesures jusqu’à 4 000 mètres, flotteurs BGC (biogéochimiques). Ce projet de 9,7 M€ est mené en collaboration avec l’Ifremer et le Service hydrographique et océanographique de la Marine (SHOM), avec une contribution de l’Université de Bretagne Occidentale (UBO), dans le cadre de l’infrastructure de recherche Euro-Argo.

Le PIE Ifremer PIANO

Il est essentiellement dédié à des développements technologiques concernant le flotteur et les capteurs pour consolider les technologies existantes, et au développement d’une deuxième génération de flotteurs profonds et de nouveaux capteurs pour enrichir la gamme de flotteurs biogéochimiques. Ces flotteurs « made in France » apporteront des capacités uniques en matière d’imagerie et d’acoustique et permettront de collecter de la donnée jusqu’à 6 000 mètres de profondeur.

Ce projet est porté par l’Ifremer. Certains de ces développements sont menés en collaboration avec le Laboratoire d'océanographie de Villefranche (LOV, CNRS, Sorbonne Université), le SHOM et l’UBO.

L’Equipex Argo-2030

Il servira de démonstrateur scientifique et technique pour les flotteurs BGC et Deep de deuxième génération (BGC-ECO et Deep-6000). Les 22 flotteurs Deep-6000 et les 15 flotteurs BGC-ECO qui seront acquis et déployés dans Argo-2030 fourniront des observations allant de la dynamique physique aux niveaux trophiques élevés (zooplancton et petits poissons), étendant ainsi le champ d'application d'Argo à la recherche écologique marine. Les flotteurs Deep-6000 renforceront le réseau Argo en échantillonnant les couches abyssales et en fournissant des observations biogéochimiques profondes grâce aux capteurs d'oxygène dont ils seront équipés. Ces flotteurs vont révolutionner les sciences océaniques en palliant et, à terme, en résolvant le sous-échantillonnage chronique des couches et écosystèmes marins abyssaux.

Financé à hauteur de 6,2 M€ par un programme d’investissements d’avenir et géré par l’Agence nationale de la recherche (ANR) dans le cadre de son appel d’offre sur les équipements structurants pour la recherche (ESR/Equipex+), le projet Argo-2030 est mené en collaboration entre l'Ifremer, Sorbonne Université, l’UBO et le CNRS. Il implique des personnels de l’Ifremer, du Laboratoire d’océanographie physique et spatiale (LOPS - CNRS, Ifremer, IRD, UBO) et du Laboratoire d’océanographie de Villefranche (LOV - CNRS et Sorbonne Université).

 

La contribution française

  • 10 % du réseau Argo pour la prochaine décennie
  • 30 % des efforts européens
  • 80 flotteurs déployés par an
  • 3e en nombre de publications derrière la Chine et les USA

 

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