Campagne RREX : mieux comprendre les courants marins pour mieux prédire le climat

Le 14 juillet prochain, le navire océanographique L’Atalante prendra le large direction le sud de l’Islande. Avec 21 scientifiques à bord, le bateau longera pendant un mois la dorsale de Reykjanes, une gigantesque chaîne de montagnes sous-marines au milieu de l’Atlantique Nord. L’objectif ? Comprendre les interactions entre la dorsale et les courants marins, dont le Gulf Stream, qui contribuent à réguler le climat mondial. Cette campagne, soutenue par l’Ifremer, le CNRS et le Labex Mer, s’inscrit dans la continuité de la campagne RREX de 2015, qui avait permis de mettre en évidence l’influence de la dorsale de Reykjanes sur la circulation océanique dans l’Atlantique Nord.

 

Rendez-vous à partir du 14 juillet pour suivre le blog de la campagne RREX.

 Au cœur du phénomène : la circulation thermohaline

Dans les zones tropicales de l’océan Atlantique, une partie du rayonnement solaire est emmagasiné. Ce réservoir de chaleur n’est pas statique : l’eau chaude remonte via le Gulf Stream vers l’océan Atlantique Nord où elle se refroidit… Ces eaux froides, plus denses et donc plus lourdes, vont alors couler sous les eaux plus chaudes pour repartir ensuite dans la direction inverse, vers les tropiques. Ces mouvements de masses d’eau, créés par les contrastes de densité, représentent ce qu’on appelle la circulation thermohaline ou cellule méridienne de retournement et contribuent à la régulation du climat mondial en redistribuant la chaleur entre les zones polaires et tropicales. Ils contribuent également à modérer le changement climatique en permettant le stockage et la redistribution dans l’océan de l’excès de chaleur et de CO2 dus aux activités humaines.  

Avec la campagne RREX, l’Ifremer s’intéresse au rôle de la dorsale de Reykjanes sur le processus de transformation des masses d’eaux chaudes transportées en surface par le Courant Atlantique Nord (une des branches du Gulf Stream) en eau froide et dense.

Pourquoi la dorsale de Reykjanes ?

Au cœur de l’océan Atlantique Nord, la dorsale de Reykjanes s’étend sur plus de 1000 km au sud-ouest de l’Islande. Elle est située au point de rencontre entre les eaux chaudes et salées qui remontent des tropiques et les eaux froides et peu salées d’origine subpolaire.

« La topographie de la dorsale contraint fortement la circulation océanique horizontale et verticale de l’Atlantique Nord. Elle influence également la distribution et l’évolution des masses d’eau », explique Virginie Thierry, chercheure Ifremer au Laboratoire d’Océanographie Physique et Spatiale (LOPS) et chef de mission de la campagne RREX. « Les courants, qu’ils soient en surface ou en profondeur sont obligés de contourner cet obstacle majeur. Ils doivent passer aux endroits où la dorsale est moins élevée et emprunter des chemins parfois exotiques, à travers des zones de fracture par exemple. Ces écoulements, d’un côté à l’autre de la dorsale, déterminent la façon dont les eaux chaudes et froides vont circuler et se mélanger. Or, ces processus ont un impact direct sur la capacité de l’océan Atlantique Nord à stocker et redistribuer la chaleur et le CO2 dans l’océan. »

L’influence sur le climat

Par cette étude, les scientifiques espèrent mieux comprendre les grands processus influençant la circulation océanique dans cette zone, et ainsi améliorer les modèles numériques de prévision climatique. « Actuellement nous avons des difficultés à représenter correctement la circulation océanique de l’Atlantique  nord dans ces modèles. Or, plus les prévisions d’évolution de la cellule méridienne de circulation fournis par ces modèles seront précises, plus les résultats des projections climatiques seront fiables », ajoute Virginie Thierry. 

130 stations de mesures et 9 points de mouillage pour de multiples données

L’équipe embarquée se rendra :

-      aux 130 stations de mesure visitées en 2015 pour acquérir de nouvelles données de température, salinité, taux d’oxygène, vitesse des courants, pH, teneur en sels nutritifs

-      aux 9 points où des lignes instrumentées ont été déployées en 2015.

« C’est important de retourner aux mêmes endroits qu’en 2015 car nous pourrons comparer les résultats des deux campagnes de mesures. Notre objectif est de déterminer les résultats constants, plutôt liés à la présence de la dorsale, et ceux qui sont variables, plutôt liés à des changements atmosphériques ou à la circulation grande échelle. Nous devons également récupérer les lignes  déposées il y a deux ans, qui n’ont cessé d’emmagasiner des informations entre 400m et 2000m de fond et qui vont nous permettre d’étudier les différents processus mis en jeu et l’origine des variabilités observées. »  

Déploiement des sondes ARGO et DEEP ARGO

Autre mission des scientifiques de la campagne : continuer les déploiements des flotteurs profileurs Arvor et Deep-Arvor pour le programme Argo. Avec plus de 4000 flotteurs dans l’ensemble des océans qui enregistrent la température et la salinité tous les 10 jours entre 0 et 2000m de profondeur, le programme Argo assure une surveillance des changements de température, salinité et courant de l’océan mondial.

« Le réchauffement des océans atteint l’océan profond : il devient donc primordial d’étendre les mesures Argo au-delà de 2000m de profondeur. C’est pourquoi nous avons développé dans le cadre du programme NAOS Equipex un flotteur Deep-Arvor capable d’enregistrer des données (notamment de température et de salinité) jusqu’à 4000 mètres de profondeur. Par ailleurs, certains des flotteurs Arvor seront installés sur des châssis posés sur le fond océanique et seront largués tous les 2 mois et demi pendant 1 an. Ces châssis nous permettent de larguer les flotteurs à n’importe quel moment de l’année, y compris en hiver, quand il est impossible de se rendre sur place en bateau ». Deux châssis déposés en 2016 seront ainsi récupérés cet été durant la campagne RREX, et deux autres, équipés de 4 flotteurs Arvor chacun, seront installés.

 

La campagne RREX est une contribution au projet RREX soutenu par l’Ifremer, le CNRS (INSU/LEFE, DR17), le LABEX Mer, Brest Métropole et le Conseil Général du Finistère. Elle est menée par le Laboratoire d’Océanographie Physique et Spatiale (LOPS - Ifremer/CNRS/IRD/UBO) en collaboration avec l’Institut de recherches marines de Vigo (IIM Vigo, Espagne), le Laboratoire d’océanographie et du climat (LOCEAN - CNRS/IRD/MNHN/UPMC) et le Woods Hole Oceanographic Institution (WHOI). La campagne RREX est une contribution au projet européen H2020 AtlantOS et la contribution française au projet international OSNAP. Elle contribue au déploiement et à la valorisation scientifique des flotteurs profileurs du programme mondial Argo et de l’EQUIPEX NAOS. Elle bénéficie des Très Grandes Infrastructures de Recherche Flotte Océanographique Française (TGIR FOF) et Euro-Argo.