POLLUSOLS : les polluants métalliques traqués de la terre à la mer

Les activités humaines (transports, industrie, agriculture…) émettent de nombreux contaminants qui se propagent dans l’environnement par différents canaux et peuvent ainsi polluer de grandes étendues, même très faiblement. En Pays de la Loire, des équipes multidisciplinaires se sont réunies autour de la problématique des pollutions diffuses et participent au projet POLLUSOLS, piloté par l’OSUNA (Université de Nantes). L’objectif du projet est d’améliorer la compréhension de l’ensemble du cycle de pollution et de proposer des outils pertinents pour la gestion des sols et sédiments pollués. Partenaire de POLLUSOLS, l’Ifremer a réalisé ce mois-ci avec le LEMAR / Laboratoire des Sciences de l’Environnement Marin (UMR CNRS-UBO-IRD-Ifremer) des prélèvements dans l’estuaire de la Loire pour évaluer la présence de cuivre et identifier ses origines.

D’où viennent les polluants ? Comment se propagent-ils dans la nature et jusqu’où vont-ils ? Quels sont leurs impacts ? Comment traiter les milieux pollués ? Voici les grandes questions que se posent les chercheurs de POLLUSOLS, le premier pôle de recherche français spécifiquement dédié aux pollutions diffuses. Une cinquantaine de biologistes, chimistes, physiciens, géologues ou encore sociologues issus de 16 laboratoires collaborent à ce projet financé principalement par la région Pays de la Loire pour 5 ans. Le projet étudie en particulier les polluants inorganiques : métaux toxiques à faibles doses (plomb, mercure…), oligo-éléments toxiques à fortes doses (cuivre, zinc…) et métaux radioactifs (uranium).

Une pollution peu visible mais aussi sensible

« Contrairement aux pollutions ponctuelles, qui engendrent de très fortes concentrations limitées dans l’espace,les pollutions diffuses sont de faibles concentrations, donc peu visibles, mais s’étendent sur des surfaces pouvant atteindre plusieurs milliers d’hectares. Il s’agit d’un phénomène encore insuffisamment étudié», explique Thierry Lebeau, enseignant-chercheur en science du sol et microbiologie de l’environnement à l’Université de Nantes et coordinateur de POLUSSOLS. Le ruissellement des eaux de pluie et, dans une moindre mesure le vent et le trafic routier, déplacent certains polluants comme l’uranium, le plomb ou le cuivre parfois sur de très grandes distances. Par conséquent, on retrouve des traces de ces éléments partout dans l’environnement : sols, champs, nappes phréatiques, rivières, organismes vivants…

A la pêche au cuivre dans l’estuaire de la Loire

Le projet s’intéresse en particulier au transfert des polluants de la terre vers la mer. En février, des chercheurs et étudiants du LEMAR et du laboratoire Biogéochimie des Contaminants Métalliques du centre Ifremer Atlantique (Nantes) ont réalisé des prélèvements en différents points de l’estuaire de la Loire, à la recherche de traces de cuivre. « Nous observons une augmentation de la présence de cuivre dans l’estuaire ces 30 dernières années. Cette hausse est mise en évidence par l’analyse de bio-indicateurs tels les huîtres, qui filtrent l’eau et accumulent donc les contaminants », indique Joël Knoery, chercheur en biogéochimie marine à l’Ifremer. Les scientifiques cherchent à remonter jusqu’aux sources du cuivre pour préciser le lien éventuel entre sa présence dans l’estuaire et les activités humaines qui en émettent.

A la recherche des origines de la pollution diffuse

La lutte contre la pollution diffuse est rendue particulièrement difficile par la multiplicité, et souvent la discrétion, des sources de contamination. Le cuivre peut par exemple provenir d’activités industrielles diverses, du trafic routier et maritime ou encore de la viticulture. « Pour identifier l'origine des métaux retrouvés, il n'y a pas un traceur idéal. Nous explorons et recoupons deux pistes principales : d’une part la spéciation des métaux, c'est-à-dire la distinction des différentes formes chimiques qu’ils peuvent prendre dans l’environnement, notamment quand ils se lient à des molécules comme la matière organique, et d’autre part leur composition isotopique[1] », détaille Joël Knoery. En dehors de ces analyses du cuivre, la participation de l’Ifremer au projet POLLUSOLS porte sur l’origine et le devenir du mercure en milieu côtier et l’étude des nouveaux polluants comme les platinoïdes, des métaux utilisés par exemple dans les pots catalytiques automobiles, et qui servent à diminuer la pollution émise par les gaz d'échappement.

  [1] En physique nucléaire, des atomes possédant les mêmes propriétés chimiques (même nombre de protons) mais des masses différentes (nombre de neutrons différents) sont appelés isotopes. 

Financé par la région Pays de la Loire à hauteur de 70% pour une durée de 5 ans, le projet POLLUSOLS est piloté par l’Observatoire des Sciences de l’Univers de Nantes Atlantique (OSUNA), et rassemble l’Université de Nantes (Laboratoire de Planétologie et géodynamique (LPG) et Laboratoire d'Economie et de Management de Nantes-Atlantique (LEMNA)), l’Ifremer, le Bureau de Recherche Géologiques et Minières (BRGM), le Laboratoire de physique subatomique et des technologies associées (SUBATECH) de l’Ecole des Mines et l’Institut français des sciences et technologies des transports, de l'aménagement et des réseaux (IFSTTAR).