Tous les ans, 24 millions de tonnes de CO2 sont absorbées dans les mers du nord de l’Europe
Les échanges gazeux sont constants entre l’atmosphère et l’océan. L’océan absorbe ainsi une partie du CO2 atmosphérique et contribue à réguler le climat à l’échelle mondiale.
En mettant au point le « Flux Engine », un outil unique compilant de multiples données physiques et biologiques au service de la communauté scientifique internationale, des scientifiques ont estimé pour la première fois avec précision la quantité de CO2 absorbée par les mers du nord de l’Europe. Le résultat est considérable : 24 millions de tonnes de CO2 par an, soit l’équivalent de ce que produiraient 72 000 Boeing 747 ou deux millions de bus à deux étages.
Publié dans le Journal of Atmospheric and Oceanic Technology, ce travail est le fruit d’une collaboration entre le Laboratoire d’océanographie physique et spatiale UMR LOPS (CNRS/Ifremer/IRD/UBO[1]), l’université Heriot-Watt et l’université d’Exeter (Royaume-Uni).[2]
Le cycle du carbone, un maillon essentiel dans l’évolution du climat
Chaque année, environ un quart du CO2 produit par l’homme est absorbé par l’océan. Les processus en cause sont à la fois physiques (dissolution naturelle des gaz et répartition dans les profondeurs du CO2 absorbé en surface) et biologiques (photosynthèse du phytoplancton). Tout cela permet de réguler en partie le climat à l’échelle de la planète. Cependant, l’augmentation des quantités de CO2 absorbées par l’océan n’est pas sans conséquence sur la vie marine. D’où l’importance de mieux comprendre le cycle du carbone et les flux entre l’océan et l’atmosphère, pour prévoir et anticiper les évolutions du climat.
Un outil innovant
Pendant 4 ans, l’équipe internationale de scientifiques a utilisé des données issues de satellites et des mesures in situ afin de mettre au point un outil baptisé le « Flux Engine ». « Évaluer les flux de CO2 reste compliqué car cela repose sur des observations souvent très indirectes et des relations empiriques », explique Bertrand Chapron, chercheur à l’Ifremer et responsable de l’équipe de recherche Océanographie spatiale et Interface air-mer au sein de l'UMR LOPS. « On utilise des algorithmes qui vont prendre en compte des informations de différents capteurs, mesurant des paramètres aussi variés que la vitesse du vent, la température de surface de l’eau, la salinité ou la couleur de l’eau. Tout cela est difficile à traiter et nécessite une mise en cohérence de l’ensemble des paramètres pour parvenir à des résultats fiables. »
Le Flux Engine regroupe ainsi toutes les données disponibles et nécessaires à l’évaluation des flux de CO2, sur la base d’informations étalonnées et homogénéisées. C’est ce qui a permis de calculer les quantités de CO2 absorbées dans les mers du nord de l’Europe. Le Flux-Engine permet déjà de réaliser des estimations globales, et peut bénéficier régionalement, particulièrement pour les mers du nord de l'Europe, de réseaux de mesures in situ qui permettent de mieux caler et vérifier les paramètres restitués. « Cet outil très performant est désormais accessible en ligne, utilisable par les chercheurs de la communauté scientifique internationale. Ils peuvent y tester leurs propres algorithmes, comparer et mener des recherches plus poussées autour des flux de CO2», ajoute Bertrand Chapron. « A terme, nous souhaitons fournir des cartes de référence des flux de CO2 de tous les océans à l’échelle mondiale, pour faciliter la compréhension du climat », souligne Bertrand Chapron. En revanche, beaucoup de questions restent encore sans réponse : « quel impact pour les zones arctiques, sur la couverture de glace ? »
Sentinel 3 : un satellite au service du Flux Engine
En complément des images radar des satellites Sentinel 1 (A et maintenant B, avec le lancement réussi du 25 avril 2016) et des images optiques du satellite Sentinel 2, les scientifiques peuvent compter sur une nouvelle génération de satellites, déployée par l’Agence spatiale européenne (ESA) : « le Flux Engine se base essentiellement sur des données satellite, qui couvrent l’ensemble de la planète, avec une résolution maîtrisée, contrairement aux données in situ, très parcellaires en termes de couverture spatiale et temporelle ».
Lancé en février 2016, le satellite Sentinel 3A effectue plusieurs mesures simultanées : hauteur des mers, couleur et température de surface, force du vent ou des courants de grande échelle… autant d’indicateurs utilisés dans l’étude des flux de CO2. « Cela va nous permettre de mieux contraindre nos estimations et d’assurer un suivi global ou local plus précis, sur le long terme », conclut Bertrand Chapron.
Pour en savoir plus sur les flux de carbone, découvrez le film d’animation réalisé par l’ESA
[1] Le LOPS appartient également à l’Institut Universitaire Européen de la Mer (IUEM).
[2] En collaboration avec le Plymouth Marine Laboratory, le National Center of Oceanography, l’Institut de Recherche Environnementale du North Highland College (Royaume-Uni), et l’Institut d’Océanographie de l’Académie Polonaise des Sciences.