En Manche Est, 5 000 soles marquées d’ici 2019
Pour mieux connaître la sole, le programme SMAC (Sole de Manche Est : Amélioration des Connaissances pour une meilleure gestion du stock) prévoit de marquer 5 000 poissons d’ici 2019. Porté par l’Ifremer, ce programme est le fruit d’une collaboration poussée entre professionnels de la pêche et scientifiques. Il intervient dans un contexte sensible où le quota de pêche de la sole a été fortement revu à la baisse ces trois dernières années.
La sole commune (Solea solea) fait partie des espèces commerciales majeures de la Manche Est. Elle représente 32% du chiffre d’affaire de la flottille entre Boulogne-sur-Mer et Cherbourg. Pour instaurer des mesures de gestion durable et ainsi pérenniser la ressource, il est indispensable d’améliorer les connaissances biologiques et écologiques de l’espèce et d’intégrer ces connaissances aux modèles d’évaluation des stocks. Le programme SMAC, qui mobilise une vingtaine de scientifiques, a notamment pour objectif de mieux comprendre les déplacements de la sole à l’intérieur de la Manche Est, et d’estimer les échanges entre les stocks de la Manche Est, de la Manche Ouest et du sud de la mer du Nord.
Marquer 5 000 soles pour mieux connaître la structure des stocks
« Les marquages se font à l’occasion de campagnes scientifiques ou à bord de bateaux de pêche professionnelle avec le soutien des équipages », explique Marie Savina-Rolland, coordinatrice du projet SMAC et chercheuse au Laboratoire Ressources Halieutiques du Centre Ifremer Manche Mer du Nord à Boulogne-sur-Mer. « Nous souhaitons marquer jusqu’à 5 000 poissons d’ici 2019. Les données récupérées grâce aux captures par les pêcheurs de soles marquées nous permettront de mieux connaître l’identité des stocks et de déterminer si chaque stock est isolé. Idéalement, nous souhaitons pouvoir récupérer des soles dans une zone la plus large possible afin de connaître au mieux l’étendue des déplacements de cette espèce. »
Les premiers marquages ont été réalisés en juillet 2016 à bord du navire RV Cefas Endeavour au cours d’une campagne scientifique de l’institut britannique Centre for Environment Fisheries and Aquaculture Science (CEFAS). Ils se sont poursuivis cet automne à bord de deux bateaux professionnels, l’ORCA et le P’tit Vox. 743 soles ont aujourd’hui été marquées, puis relâchées au plus près de leur point de capture.
Le succès du programme SMAC dépendra évidemment du nombre de marques retournées par les pêcheurs. Un travail d’information autour de la campagne de marquage est réalisé auprès des acteurs du monde de la pêche, professionnelle ou récréative, aussi bien en France que dans les autres pays concernés : Grande-Bretagne, Belgique et Pays-Bas. Les pêcheurs capturant un poisson marqué sont invités à communiquer le numéro de la marque, le lieu et la date de capture ainsi que la taille du poisson à l’Ifremer. De premières soles marquées ont déjà été repêchées par des navires français et anglais.
Faire parler les otolithes
Le programme ne se limite pas aux marquages. Pour déterminer quelles sont les frayères et les nourriceries1 qui alimentent les stocks de soles, les scientifiques étudieront les otolithes de spécimens pêchés en Manche Est. « L’otolithe est une petite pièce calcifiée située dans l’oreille interne de l’animal, qui permet notamment de connaître son âge. Sa forme étant déterminée à la fois par des facteurs génétiques et par l’influence de l’environnement, il est possible de distinguer les stocks, d’identifier d’éventuelles sous-populations au sein d’un stock et même de déterminer leurs nourriceries d’origine en analysant ces otolithes », détaille Marie Savina-Rolland. Les pièces seront prélevées en 2016 et 2017 et seront analysées dans le cadre d’une thèse démarrée cet automne.
Mieux pêcher pour préserver la ressource
Autre objectif du programme : évaluer l’efficacité des pratiques de pêche et améliorer leur sélectivité, c’est-à-dire leur capacité à ne capturer que les espèces ciblées et de taille souhaitée. Dans le cadre du programme, des ateliers réunissant scientifiques et professionnels seront organisés afin d’identifier de potentielles améliorations des stratégies de pêches.
Trier sur le fond plutôt que sur le pont
« En Manche Est, la taille commerciale légale de la sole est de 25cm. Pour épargner les plus petites soles et ainsi trier sur le fond plutôt que sur le pont, des filets de pêche permettant une ouverture des mailles plus allongée, laissant donc s’échapper les petits poissons plats, seront testés », explique la scientifique. Par ailleurs, les pêcheurs pourraient éviter, pendant certaines périodes, les zones sensibles telles que les lieux de ponte et les nourriceries, qui pourront être mieux identifiées grâce au programme, et ainsi permettre au stock de mieux se renouveler.
En permettant une meilleure connaissance de l’état écologique et de la structure des populations de soles, les actions mises en œuvre dans le cadre du programme SMAC offriront des informations précieuses pour développer une gestion durable de la ressource et favoriser une pêche intelligente.
Si vous pêchez une sole marquée, merci d’appeler l'Ifremer au 06 43 04 05 11 ou d’envoyer un e-mail à smac@ifremer.fr !
Les partenaires du projet SMAC
SMAC est un projet national de recherches appliquées à la sole (Solea solea). Doté d’un budget de 1,5 millions d’euros, il est piloté par l’Ifremer et mené en partenariat avec France Filière Pêche (financeur du projet à hauteur de 42%), la Direction des Pêches Maritimes et de l’Aquaculture (DPMA), les Comités Régionaux des Pêches Maritimes et des Elevages Marins (CRPMEM) Haut-de-France et Normandie, les organisations de producteurs From Nord, CME (Coopératives Maritimes Etaploises) et OPBN, les régions Hauts-de-France et Normandie et enfin les partenaires scientifiques Agrocampus Ouest et l’unité mixte de recherche BOREA (Muséum National d’Histoire Naturelle, Université Pierre et Marie Curie).
La sole – Fiche d’identité
La sole est un poisson de fond pouvant vivre jusqu’à 26 ans et mesurer jusqu’à 70 cm. Le jour, elle s’enterre sous le sable ou la vase et chasse la nuit pour se nourrir de petits crustacés et de vers. On la trouve généralement en zone côtière, rarement au-delà de 70 mètres de profondeur. La femelle pond jusqu’à 150 000 œufs lorsqu’elle atteint sa maturité (entre 3 et 5 ans). Aux premiers stades de sa vie, la sole a un aspect ordinaire. Dès qu’elle se sédentarise, l’un des yeux migre pour rejoindre l’autre et le poisson adopte une morphologie plate.
1 Les frayères sont les zones où les poissons se reproduisent. Les nourriceries sont les zones, souvent à proximité des côtes, où les juvéniles passent leurs premières années.