Sciences participatives : des micro-algues découvertes grâce aux lycéens

Traversant l’Atlantique dans le sillage de L’Hermione, plus de 30 élèves du Lycée maritime et aquacole de La Rochelle ont mené une mission scientifique de prélèvement de micro-algues. Découverte de nouvelles espèces, analyses génétiques inédites : trois ans après, l’Ifremer lève le voile sur les résultats obtenus grâce à ces lycéens, à l’occasion de deux conférences grand public (le 11 avril à Brest et le 15 mai à La Rochelle).

La Rochelle, les Canaries, New-York, Saint-Pierre-et-Miquelon puis Brest... A bord de K.VIII, un voilier de 23 mètres ancien vainqueur de la route du rhum, des élèves du Lycée maritime et aquacole de La Rochelle ont traversé l’Atlantique Nord sur les traces de La Fayette. Au-delà de l’aspect historique, ce périple fut aussi l’occasion d’une mission scientifique avec l’Ifremer. Armés d’un filet aux mailles microscopiques (20 micromètres) et d’une sonde multi-paramètres (salinité, température et pH), les élèves ont réalisé plus de 20 points de prélèvements au long de cette traversée, afin de récolter des échantillons de micro-algues, soigneusement fixés ensuite dans une solution iodée. Les micro-algues constituent la partie végétale du plancton, premier maillon de la chaîne alimentaire marine et source de plus de la moitié de l’oxygène que nous respirons.

Prélèvements à bord, analyses en laboratoire

Les scientifiques de l’Ifremer ont pris le relai pour observer minutieusement au microscope les échantillons et analyser leur ADN. « Les résultats scientifiques obtenus grâce aux lycéens répondent largement à nos attentes, se réjouit Claude Le Bec, biologiste marin et responsable du laboratoire Ifremer de Concarneau (29). Nous avons même trouvé quatre espèces encore inconnues. » Parmi elles, on peut citer une espèce d’Alexandrium, de la même famille que celles produisant des toxines aux effets paralysants qui prolifèrent parfois sur les côtes françaises. De plus, les prélèvements obtenus ont permis de compléter les analyses sur des espèces déjà identifiées. Au-delà d’une simple description au microscope, la carte d’identité génétique de chaque espèce doit être déposée dans une banque de données internationale afin de valider sa découverte. « Plusieurs centaines de morceaux d’ADN doivent être séquencés pour obtenir ce type d’informations, précise Claude Le Bec. Grâce aux nouveaux prélèvements de K.VIII, nous avons ainsi pu établir la carte d’identité de la micro-algue Alexandrium garderea par exemple, une espèce dont la séquence génétique était jusqu’alors inconnue. » Enfin, cette expédition a permis aux chercheurs de mieux comprendre une anomalie observée en baie de Concarneau notamment. « Nous avons relevé en 2014 et 2015 plus d’une dizaine d’espèces de micro-algues qu’on trouve habituellement dans les eaux chaudes sub-tropicales, ce qui a été confirmé par les relevés des élèves tout au long de la radiale Atlantique. » Les scientifiques peuvent ainsi établir un lien entre des phénomènes de hausse de température observés depuis les années 2000 sur le littoral breton et la présence de ces micro-algues exotiques.

Les chercheurs ont été bluffés par la rigueur des lycéens, formés rapidement aux techniques de prélèvement et au respect d’un protocole scientifique, peu avant leur départ, sur des échantillons dont l’essentiel est invisible pour les yeux… « Les prélèvements doivent être soignés pour ne pas casser les cellules ou l’ADN des micro-organismes », souligne Claude Le Bec. Un tel partenariat permet aussi des économies substantielles : l’affrètement d’un navire océanographique pour une telle traversée représenterait un coût pouvant atteindre 1,5 million d’euros.

 

A propos

Le projet de sciences participatives Hermiona (Halieutique, environnement et recherche sur les micro-algues de l’océan Nord Atlantique) avait un objectif double pour le laboratoire Ifremer de Concarneau, à savoir comparer ces échantillons avec :

- une quantité exceptionnelle d’espèces de micro-algues réputées d’eaux tempérées chaudes à tropicales trouvées en 2014 et 2015 en baie de Concarneau, jamais observées pour certaines ;

- les échantillons issus du périple du navire norvégien Michael Sars en 1910, dont le parcours est proche de celui de K.VIII, et qui servent encore aujourd’hui à identifier les espèces de micro-algues.

Pour le Lycée maritime et aquacole de la Rochelle, l’objectif initial était d’accompagner la traversée de L’Hermione, reconstruite pour gagner l’Amérique sur les traces de La Fayette lors de son voyage de 1780 au secours des insurgés américains. 12 élèves se sont ainsi succédés à bord de L’Hermione, tandis que 4 équipages de 8 à 9 élèves de la seconde à la terminale se relayaient dans leur sillage à bord de K.VIII, voilier de 23 m vainqueur de la Route du Rhum en 1982.

Présentation des résultats de la mission à l’Ifremer Brest et à la médiathèque de La Rochelle

Les résultats de la mission Hermiona seront présentés le mercredi 11 avril à au centre Ifremer de Plouzané (29) et le mardi 15 mai à la médiathèque de La Rochelle (17). Avec Thierry Daguzan,et Catherine Dreveau-Hérault, professeurs au Lycée maritime et aquacole de La Rochelle, ainsi que Claude Le Bec, responsable du laboratoire Ifremer de Concarneau.