Le domaine sous-marin de la France va s’agrandir de plus de 150.000 km²

La Commission des Limites du plateau continental, organe spécialisé des Nations Unies, a rendu publiques le 10 juin 2020 des recommandations[1] autorisant la France à étendre son plateau continental au large des îles de La Réunion et de Saint-Paul et Amsterdam (Terres australes et antarctiques françaises). La France va ainsi étendre son domaine sous-marin de 151.323 km2 (58.121 km2 au large de La Réunion et 93.202 km2 au large de Saint-Paul et Amsterdam) l’équivalent de plus d’un quart de la superficie de l’hexagone.

 Lire la #ParoleDeScientifique de Benoit Loubrieu, ingénieur cartographe au Centre Ifremer de Bretagne à Brest et coordinateur scientifique du programme français Extraplac.

En 2015, quatre décrets avaient formalisé une première extension de 579.000 km2 du plateau continental français au large de la Martinique, des Antilles, de la Guyane, de la Nouvelle-Calédonie et des îles Kerguelen.

Le plateau continental étendu de la France va donc être porté à une surface de 730.000 km2, qui s’ajoutent aux 10,2 millions de km2 d’eaux sous souveraineté (eaux intérieures et mer territoriale) ou sous juridiction (zone économique exclusive) françaises. La France peut encore prétendre à environ 500.000 km2 de plateau continental au titre des dossiers actuellement en cours d’examen ou en attente d’examen par les Nations Unis.

Ces extensions ont été menées dans le cadre du programme EXTRAPLAC (EXTension RAisonnée du PLAteau Continental[2]), piloté par le Secrétariat général de la mer, service du Premier ministre, avec notamment l’appui scientifique et technique de l’Ifremer[3] et du Shom[4]. Elles accroissent les droits de la France sur l’exploration et l’exploitation des ressources du sol et du sous-sol marins au-delà des 200 milles marins.

 

L’extension du plateau continental : un enjeu de long terme pour la France

 

Chaque État côtier, au-delà de la mer territoriale adjacente à sa côte (12 milles marins) dispose d’un espace maritime pouvant aller jusqu’à 200 milles marins de sa côte (environ 370 km : c’est ce qu’on appelle la Zone Économique Exclusive, ZEE), sous réserve de délimitation avec d’autres États. L’État côtier y exerce sa juridiction en matière de protection de l’environnement et y dispose de droits souverains d’exploitation des ressources à la fois du sous-sol et des eaux surjacentes (ressources halieutiques en particulier).

En application de l’article 76 de la Convention des Nations Unies sur le Droit de la mer de 1982 (CNUDM, plus connue sous le nom de Convention de Montego Bay), un État côtier peut prolonger le plateau continental sous sa juridiction au-delà des limites de 200 milles marins. Cette extension - jusqu’à 350 milles (650 km) maximum - concerne uniquement le plateau continental, c’est-à-dire le sol et le sous-sol marins dans le prolongement naturel des terres émergées, les eaux restant quant à elles du domaine international. Il se différencie en cela de la ZEE qui, elle, inclut la colonne d’eau.

 

Dans ces zones de plateau continental, les États côtiers disposent, au titre de la CNUDM, de droits souverains pour l’exploration et l’exploitation des ressources naturelles du sol et du sous-sol : hydrocarbures[5], minéraux, métaux ou ressources biologiques. La CNUDM prévoit par ailleurs le partage des richesses du plateau continental au-delà des 200 milles marins avec les pays signataires, en particulier ceux en voie de développement ou sans accès à la mer. L’exploitation et la protection de ces espaces sous-marins, riches de ressources potentielles mais également d’une biodiversité encore mal connue, constituent de futurs défis pour les États et les scientifiques.

L’exploitation de ces espaces sous-marins n’est pas à l’ordre du jour, pour autant, les recommandations de la Commission des Limites du plateau continental sont un motif de satisfaction, car elles permettent à la France de préserver ses droits pour l’avenir dans de vastes espaces sous-marins, ce qui implique la possibilité d’assurer leur protection si l’exploitation n’est pas souhaitée.

[1] Consultables sur le site de l’ONU :  https://www.un.org/Depts/los/clcs_new/submissions_files/fra40_09/2020_03_04_COM_SUMREC_FRA2.pdf

[2] https://www.extraplac.fr/

[3] Institut français de recherche pour l'exploitation de la mer

[4] Service hydrographique et océanographique de la Marine

[5] L’exploitation des hydrocarbures n’est plus d’actualité en France depuis la loi n° 2017-1839 du 30 décembre 2017 mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures et portant diverses dispositions relatives à l'énergie et à l'environnement.

Annexe - EXTRAPLAC : le programme français d’extension du plateau continental

 

Les dossiers de demande d’extension du plateau continental sont déposés auprès de la Commission des Limites du Plateau Continental (CLPC), commission spécifique des Nations Unies.

Cette extension peut être revendiquée à condition que les fonds marins répondent à des critères de prolongement naturel et de continuité géologique et morphologique depuis les terres émergées. Pour élaborer les demandes d’extension conformément à ces critères, la France a mis en place en 2002 un programme national dédié : EXTRAPLAC (EXTension RAisonnée du PLAteau Continental, https://www.extraplac.fr/), programme coordonné par un comité de pilotage interministériel, sous la responsabilité du Secrétariat général de la mer, dépendant du Premier ministre.

L’Ifremer pilote la contribution scientifique, en collaboration étroite avec le Shom (Service hydrographique et océanographique de la marine), l’IPEV (Institut polaire français Paul-Émile Victor) pour l’acquisition de données et également IFP Énergies nouvelles par le passé. Ces organismes ont apporté, sur la durée du projet, les compétences scientifiques et les moyens navals nécessaires pour instruire les demandes d’extensions françaises et présenter un argumentaire scientifique aux Nations Unies.

Les travaux d’EXTRAPLAC sont multiples : acquisition de mesures en mer, analyse des données géophysiques, préparation et dépôt des dossiers de demandes, et suivi de l’examen par la CLPC. Depuis le premier dépôt en 2006, le programme EXTRAPLAC a préparé et soumis les demandes pour onze zones du domaine maritime français. Au terme du processus d’instruction des premiers dossiers soumis entre 2006 et 2009, la France avait obtenu des recommandations de la CLPC pour les limites extérieures de son plateau continental au-delà de 200 milles au large de la Guyane (72.000 km2), de la Martinique et la Guadeloupe (8000 km2), de la Nouvelle-Calédonie (76.000 km2) et des îles Kerguelen (423.000 km2).

 

 

 

Concernant le golfe de Gascogne, la France a déposé sa demande en collaboration avec la Grande-Bretagne, l'Irlande et l'Espagne en 2006. Les recommandations de la CLPC ont été émises en 2009. Le partage du plateau au-delà des 200 milles nautiques est actuellement en négociation entre les quatre États.

La CLPC doit encore se prononcer sur les demandes relatives à l’Archipel de Crozet, à Wallis et Futuna, à Saint-Pierre-et-Miquelon, au sud-est de la Nouvelle-Calédonie et à la Polynésie française. Ce dernier dossier a été déposé en 2018, après une ultime campagne de relevés en mer en 2015.

Toutes les limites extérieures du plateau continental peuvent être consultées sur le portail national des limites maritimes, site de référence pour la publication de l'information officielle des délimitations maritimes françaises.