DynAlgue : premiers pas vers la sélection de microalgues à fort potentiel
Déjà bien présentes dans notre vie quotidienne (cosmétiques, compléments alimentaires, colorants…), les microalgues offrent un potentiel de développement dans de nombreux domaines industriels. En adaptant des méthodes de sélection variétale issues de l’agriculture, des souches de microalgues aux performances améliorées pourraient bientôt voir le jour. Piloté par le laboratoire Physiologie et Biotechnologie des Algues de l’Ifremer, le projet DynAlgue identifiera pour la première fois les bases génétiques à l’origine de la production de molécules d’intérêt chez ces organismes aquatiques invisibles à l’œil nu. Ce projet de recherche fondamentale débute en janvier 2017 et bénéficie d’un financement de l’Agence Nationale de Recherche (ANR) pour quatre ans.
Alors que depuis des siècles l’homme a adapté les espèces végétales cultivées en sélectionnant les variétés à haut rendement, les microalgues exploitées aujourd’hui restent proches de leur état sauvage. L’intérêt scientifique porté aux stratégies de sélection et d’orientation métabolique des microalgues est relativement récent. Sur le million d’espèces phytoplanctoniques estimées, seules 140 000 ont aujourd’hui été répertoriées. Le projet DynAlgue s’intéresse à l’espèce Tisochrysis lutea, utilisée en aquaculture pour nourrir les larves d’huîtres et de crevettes. Il a pour ambition de mettre au point des méthodes et des outils qui contribueront au développement de souches d’algues très performantes en termes de production de métabolites d’intérêt.
Des micro-organismes riches en molécules d’intérêt pour l’activité humaine
A partir de neuf populations de Tisochrysis lutea collectées dans différents écosystèmes côtiers à travers le monde (côtes tahitiennes, mer des Caraïbes, mer du Nord et côte espagnole), la diversité génétique de l’espèce sera évaluée afin de distinguer les individus aux propriétés les plus intéressantes. « Nous ciblons dans ce projet les lipides (huiles) et les pigments produits par cette microalgue et nous nous intéressons plus particulièrement aux acides gras oméga 3, aux caroténoïdes et aux molécules antioxydantes », détaille Grégory Carrier, chercheur en génétique des algues au centre Ifremer Atlantique à Nantes et coordinateur du projet.
La génétique d’association, une approche novatrice
De nombreux verrous scientifiques et techniques doivent encore être levés pour parvenir à réaliser une sélection efficace chez ces micro-organismes. « Les moyens dont nous disposons actuellement pour explorer les cellules de microalgues sont coûteux et ne permettent pas de caractériser à grande échelle certaines des molécules qui nous intéressent ici », explique le scientifique. La solution passera donc par la génétique. « Nous nous appuierons sur une approche de génétique d’association, une première dans la recherche sur les microalgues. Cette méthode récente consiste à « associer » statistiquement les variations des caractéristiques de l’espèce étudiée aux variations génomiques. » Ainsi, devraient être identifiées des séquences d’ADN, appelées marqueurs moléculaires, qui déterminent la production de lipides, de pigments et d’antioxydants chez Tisochrysis lutea. Un premier pas important vers un processus de sélection maîtrisée des microalgues.
L’essor des cultures industrielles passera par la domestication des microalgues
En adaptant les techniques de sélection végétale qui ont permis d’augmenter les rendements, la qualité nutritionnelle des aliments, leur conservation et ainsi améliorer la productivité agricole, la culture de microalgues à fort potentiel pourrait être prochainement développée. « L’algoculture est une activité jeune et pleine de promesses. La domestication1 de populations de microalgues constitue un enjeu majeur pour parvenir à développer une filière industrielle rentable », souligne Grégory Carrier.
« Dans un contexte de démographie mondiale en hausse et d’épuisement des ressources, les microalgues marines peuvent offrir des solutions pour répondre aux futurs enjeux de sécurité alimentaire », affirme Grégory Carrier.
En effet, les acides gras oméga 3 et les caroténoïdes qu’elles contiennent sont essentiels pour l’homme. Les microalgues présentent par ailleurs de nombreux avantages : leur croissance est impressionnante (la biomasse peut doubler chaque jour) et elles se développent dans l’eau de mer, leur culture n’empiète donc pas sur les terres agricoles et ne nécessite pas d’être irriguée par l’homme.
La domestication d’une espèce animale ou végétale est l’acquisition ou la transformation de caractères morphologiques, physiologiques ou comportementaux au contact de l’homme, suite à une interaction prolongée ou à un effort volontaire de sélection.