Campagne MoMARSAT 2016 : Percer les mystères du champ hydrothermal Lucky Strike à 1700 mètres de profondeur
La campagne océanographique MoMARSAT 2016, menée conjointement par l’Ifremer et l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP-CNRS), se déroulera du 24 août au 13 septembre au large des Açores, à bord du navire de l’Ifremer L’Atalante. Le projet MoMARSAT a été lancé il y a 6 ans pour observer en continu le champ hydrothermal Lucky Strike, situé à 1700 mètres de profondeur sur la dorsale médio-atlantique.
L’objectif en 2016 : assurer non seulement la maintenance des instruments d’observation déjà installés au fond de l’océan, mais déployer également de nouveaux outils. Cet observatoire s'intègre au Consortium d’infrastructure européenne de recherche EMSO (European Multidisciplinary Subsea and water column Observatory) fondé par 8 pays membres et soutenu en France par l'Infrastructure de Recherche EMSO-FR. L’objectif d’EMSO est l’étude en temps réel et sur le long terme des processus environnementaux sous-marins, grâce à des observatoires.
21 scientifiques et techniciens s’apprêtent à retourner sur zone pour assurer la maintenance de l'observatoire de Lucky Strike, et poursuivre l'étude de ce champ hydrothermal, découvert dans les années 90. Situé au sommet d’un volcan sous-marin possédant une chambre magmatique peu profonde, le champ hydrothermal de Lucky Strike se présente sous la forme d'une centaine de sources hydrothermales entourant un ancien lac de lave. Les sources hydrothermales, communément appelées fumeurs noirs, naissent aux points de contact des grandes plaques océaniques et recrachent une eau chaude pouvant dépasser les 300 degrés.
En profondeur, les fumeurs de Lucky Strike abritent un écosystème étonnant, soumis à des températures oscillantes entre 4°C et 330°C, composé entre autres de modioles (moules hydrothermales), d’essaims de crevettes attirées par les sources les plus chaudes et de tapis de microorganismes divers. Privés de la lumière du soleil, ces organismes se développent grâce à la chimiosynthèse : ils utilisent comme source d’énergie l’hydrogène, le sulfure ou le méthane recrachés par les fumeurs pour produire la matière organique dont ils ont besoin.
Les campagnes sur zone, renouvelées chaque année, permettent aux chercheurs de récolter les enregistrements et d’assurer la maintenance de l’observatoire, dont les équipements disposés en profondeur sont corrodés par l’eau de mer. La campagne 2016 verra également le déploiement de nouveaux capteurs sur Lucky Strike (capteurs sonores, chimiques et thermiques) afin d’obtenir davantage de données en temps réel.
« Ces ajouts nous permettront d’étendre la portée de nos études. Nous allons notamment déployer une chaîne de thermistances. Cette chaîne est composée d’une centaine de sondes de température espacées de 50 cm et connectées au nœud de l'observatoire autour de l'édifice hydrothermal, pour suivre l'évolution de la température sur des échelles spatiales fines qui correspondent à la distribution des organismes autour des fumeurs. Une reconstruction photographique en 3D nous permettra d’obtenir une description de cette distribution, pour mieux détecter des petits changements de biodiversité », explique Pierre-Marie Sarradin. Les écosystèmes hydrothermaux sont encore loin d’avoir livré tous leurs secrets.
Le réseau européen EMSO (European Multidisciplinary Seafloor and water column Observatory) est composé d'un réseau d'observatoires fixes, situés en eaux profondes ou dans la colonne d’eau, déployés dans les mers tout autour de l’Europe, de l’Arctique à l’Atlantique, de la Méditerranée à la mer noire. L'observatoire de Lucky Strike est l'un des nœuds de ce réseau.
Plusieurs instituts de recherche font partie intégrante du projet MoMARSAT : L’Ifremer et l’IPGP (qui conduisent les missions), l’Université des Açores, l’Université de Lisbonne, l’Université de Brême et plusieurs autres laboratoires français rattachés au CNRS (IUEM/UBO, IUEM-LPO, OMP-GET, LiENs-La Rochelle, UPMC/LOCEAN.)