Les canyons sous-marins, des écosystèmes fortement menacés par les activités humaines

Publié le 31  janvier 2017 dans la revue Frontiers in Marine Science, une étude menée par des chercheurs du Réseau international pour l’étude et l’échange scientifique sur les canyons sous-marins (INCISE) met en évidence l’importance écologique des canyons et la nécessité de mieux protéger ces espaces sensibles aux activités humaines. L’Ifremer a contribué à ces travaux en apportant notamment des informations sur les coraux du golfe de Gascogne.

Les canyons sous-marins sont des vallées profondes et escarpées qui entaillent les marges continentales, créant un conduit entre la côte et les abysses. De nombreux canyons atteignent des profondeurs supérieures à 2 km, certains s’étendent sur des centaines de kilomètres. Ils constituent un lieu de refuge, d’habitat, de reproduction et de nurserie pour de nombreuses espèces (coraux d’eau froide, poissons, crustacés…). A ce jour, près de 10 000 grands canyons sous-marins ont été recensés dans le monde.

Des pressions de différentes natures

« Globalement, les pressions exercées par les activités humaines comprennent les déchets, la pêche, le déversement de résidus miniers terrestres et l'extraction de pétrole et de gaz », souligne Lénaick Menot, co-auteur de l’étude et chercheur au Laboratoire Environnement Profond du Centre Ifremer Bretagne à Brest. Les effets du changement climatique peuvent aussi modifier l'intensité des courants dans les canyons, avec un impact sur la structure et le fonctionnement de la faune sous-marine ainsi que sur l'apport en nutriments de l'écosystème des fonds marins.

10% des canyons situés dans des aires marines protégées

« Seulement 10% des canyons identifiés dans le monde sont situés dans des aires marines protégées (AMP)», précise Florence Sanchez, co-auteur de l’étude et ingénieur à l’Ifremer, au Laboratoire Environnement Ressources d’Arcachon (équipe d’Anglet). Même si ce chiffre reste très faible, l’étude révèle plusieurs exemples de réussites réalisées en matière de protection et de mesures de gestion pour certains canyons sous-marins.

« Notre étude identifie non seulement l'importance écologique des canyons, mais souligne également la nécessité d'une meilleure compréhension des impacts anthropiques sur les écosystèmes que les canyons sous-marins abritent », explique Ulla Fernandez-Arcaya, l'auteur principal de l'étude et chercheure au Centre Océanographique des Baléares (Espagne).

300 canyons dans le golfe de Gascogne

Dans le golfe de Gascogne - qui s’étend de la Bretagne jusqu’au Pays Basque - 300 différents canyons incisent la façade Atlantique française. L’étude publiée fait le bilan d’un ensemble de projets multidisciplinaires, recensés par le Réseau international pour l’étude et l'échange scientifique sur les canyons sous-marins  (INCISE). Ces nouvelles connaissances acquises ont considérablement amélioré la compréhension du rôle écologique des canyons, les ressources qu'ils fournissent aux populations humaines et des impacts que les activités humaines exercent sur leur état écologique global.

60 espèces de coraux

Dans le golfe de Gascogne, les canyons sous-marins sont de véritables refuges pour les coraux d’eau froide. Au cours de sa thèse à l’Ifremer, Inge Van den Beld, co-auteur de l’étude, a identifié et cartographié près de 60 espèces de coraux. Ces coraux forment des récifs ou des jardins. « Mis bout à bout, l’ensemble des habitats coralliens observés dans le golfe de Gascogne pendant nos plongées scientifiques représentent 48 km de longueur », explique Lénaick Menot de l’Ifremer, qui a supervisé cette thèse.

Ces habitats vulnérables ne font pas encore l’objet de mesures de préservation mais les recherches menées par l’Ifremer ont alimenté les recommandations de l’Unité Mixte de Service  2006 - Patrimoine Naturel du Muséum National d’Histoire Naturelle. L’objectif de ce projet est la  désignation d’un réseau Natura 2000 pour l’habitat récif au large, dans le cadre de la directive «Habitats, faune, flore». En 2014, huit grands secteurs ont ainsi été définis, incluant 15 canyons le long de la façade Atlantique française.

Ecological Role of Submarine Canyons and Need for Canyon Conservation: A Review.

https://doi.org/10.3389/fmars.2017.00005

 Ulla Fernandez-Arcaya 1, 2*, Eva Ramirez-Llodra 3, Jacopo Aguzzi 2, A. Louise Allcock 4, Jaime S. Davies 5, Awantha Dissanayake 5, Peter Harris 6, Kerry Howell 5, Veerle A. I. Huvenne 7, Miles Macmillan-Lawler 6, Jacobo Martín 8, Lenaick Menot 9, Martha Nizinski 10, Pere Puig 2, Ashley A. Rowden 11, Florence Sanchez 12 and Inge M. J. Van Den Beld 9.

  1. Centre Oceanogràfic de Balears, Instituto Español de Oceanografía, Palma, Spain,
  2. Institute of Marine Sciences (ICM-CSIC), Barcelona, Spain,
  3. Norwegian Institute for Water Research, Oslo, Norway,
  4. Ryan Institute, National University of Ireland Galway, Galway, Ireland,
  5. Plymouth University, Plymouth, UK,
  6. GRID-Arendal, Arendal, Norway,
  7. National Oceanography Centre, University of Southampton Waterfront Campus, Southampton, UK,
  8. Centro Austral de Investigaciones Científicas-CONICET, Ushuaia, Argentina,
  9. Ifremer, REM/EEP/Laboratoire Environnement Profond, Centre de Bretagne, Plouzané, France,
  10. NOAA/NMFS, National Systematics Lab, Washington, DC, USA,
  11. National Institute of Water and Atmospheric Research, Wellington, New Zealand,
  12. Ifremer, RBE/HGS/Laboratoire Ressources Halieutiques d’Aquitaine, Anglet, France