CGFS, une campagne européenne d’évaluation des ressources marines vivantes en Manche Orientale
Carrefour entre l’Océan Atlantique et la Mer du Nord, la Manche est une zone particulièrement prisée par le secteur halieutique. Pour que la pêche reste une activité durable qui tienne compte des limites des ressources marines, il est indispensable d’étudier de manière approfondie l’impact de l’exploitation. L’Ifremer réalise chaque année depuis 1988 la campagne CGFS (Channel GroundFish Survey) afin de mieux connaître l’état des stocks en Manche Orientale.
Au départ de Boulogne-sur-Mer, la campagne CGFS 2016 se déroulera du 23 septembre au 15 octobre à bord du navire Thalassa, en présence de 14 scientifiques de l’Ifremer. Toujours réalisée dans la même partie de la Manche (une zone allant de Cherbourg à Dunkerque), à la même saison et avec un engin de pêche standardisé pour que les données récoltées soient comparables d’année en année, cette série de campagnes permet d’évaluer l’évolution de la biodiversité. Elle répond à la demande européenne de collecte de données nécessaires à l’évaluation de l’abondance des stocks de poissons.
Une évaluation pour gérer durablement les ressources
« La mission première des campagnes CGFS est d’échantillonner, à l’aide d’un chalut de fond, les communautés de poissons de Manche Orientale. A partir des spécimens prélevés, nous obtenons un ensemble de données (abondance, taille, âge, distribution…) essentielles pour estimer l’état des stocks », explique Morgane Travers-Trolet, chercheure en écologie marine au Centre Ifremer Manche Mer du Nord à Boulogne-sur-Mer et cheffe de la mission CGFS 2016.
En 2015, 44 043 poissons ont été mesurés et 1 283 otolithes prélevés
« Nous fournissons des données très précises par tranche d’âge pour la plie et le rouget barbet. Pour déterminer l’âge d’un spécimen, nous prélevons son otolithe, une petite pièce calcifiée située dans l’oreille interne des poissons sur laquelle apparaissent des stries de croissance. Ces informations sont indispensables pour estimer la démographie des stocks et en déduire les biomasses de poissons en âge de se reproduire. Nous récoltons également des indices plus globaux sur le bar, la seiche, les encornets et les sélaciens (raies, requins). » Lors de chaque campagne, 74 traits de chalut de 30 minutes sont réalisés. En 2015, 44 043 poissons ont été mesurés et 1 283 otolithes prélevés. Les données récoltées lors des campagnes CGFS sont utilisées pour la définition des mesures annuelles de gestion des ressources halieutiques décidées dans le cadre de la Politique Commune des Pêches.
Des indicateurs du bon état écologique de la Manche
Outre des échantillonnages au chalut de fond, les travaux effectués lors de la campagne 2016 seront variés : observation vidéo des invertébrés vivant sur le fond (pétoncles, étoiles de mer, pagures…), mesures hydrologiques (température, salinité, turbidité…) ou encore suivi de communautés planctoniques. « Pour participer à l’évaluation du bon état écologique demandé par la Directive-cadre stratégie pour le milieu marin (DCSMM), les campagnes CGFS cherchent à mieux connaître l’habitat pélagique de la Manche. A l’aide d’un filet à plancton, nous étudierons par exemple les conditions de présence et d’abondance d’organismes gélatineux tels que le cténaire (Mnemiopsis leidyi), une espèce invasive particulièrement vorace », détaille la scientifique. Ponctuellement et si la mer est calme, l’équipe collectera aussi les micro-plastiques de surface.
CGFS bientôt élargi à la Manche Ouest
La campagne CGFS sera dans les années à venir étendue vers la Manche Ouest. Les cinq derniers jours de la campagne 2016 seront ainsi dédiés à l’exploration de cette zone afin d’affiner le protocole d’échantillonnage qui sera utilisé. « Après un changement de chalut à Cherbourg, nous effectuerons des tests de capturabilité des poissons plats (raies, baudroies…). Nous allons déterminer quels outils sont les plus adaptés à la Manche Ouest, qui est caractérisée par des fonds plus durs », précise Morgane Travers-Trolet.