Baisse de 80% de l’abondance de poissons en 30 ans en baie de Somme
Le suivi scientifique mené par l’Ifremer en baie de Somme montre une baisse de 80% de l’abondance totale (toutes espèces confondues) des poissons en 30 ans. Cette baisse semble principalement imputable à la hausse de la température de l’eau.
Un article scientifique, qui vient d’être publié dans la revue Global Change Biology, montre une diminution de 80% de l’abondance des poissons en baie de Somme en 30 ans. Leur densité est ainsi passée de 200 000 individus/km2 à 40 000 individus/km2. Cette diminution substantielle touche principalement les espèces à croissance rapide et ainsi précocement matures pour la reproduction, comme la limande, la plie, le sprat ou le hareng.
Leur stratégie démographique les rend sensibles aux variations de l’environnement. La température de l’eau en Manche Est – Mer du Nord a connu une augmentation rapide sur la période étudiée, entre 0,3 et 0,4°C par décennie, avec une accélération entre 1998 et 2003 (plus de 1°C entre ces 5 années), soit une hausse 4 fois supérieure au réchauffement moyen de l’ensemble des océans.
Au contraire, les espèces à croissance lente et maturité sexuelle tardive, comme le bar, résistent mieux à ces changements environnementaux.
Une évolution qui risque d’être amplifiée par le changement climatique
D’ici 2100, la hausse des températures en Manche Est-Mer du Nord pourrait atteindre 2,5 à 3°C par rapport à la période actuelle, ce qui risque d’amplifier les effets néfastes déjà observés en baie de Somme. Une note d’optimisme néanmoins : les espèces les plus touchées sont aussi celles qui ont la plus forte capacité d’adaptation et de restauration du fait de leur croissance rapide et de leur reproduction précoce.
Les résultats publiés aujourd’hui sont issus d’une série de 26 ans de données (entre 1987 et 2012) dans le cadre de la campagne Noursom. Des engins de pêche standardisés sont utilisés chaque année à la même période, sur 50 points de la baie jusqu’à une profondeur de 20 m. Les individus prélevés sont mesurés, comptés et analysés, avec par exemple des prélèvements d’otolithes pour déterminer leur âge.
La baie de Somme est la deuxième nourricerie la plus importante en Manche, après la baie de Seine. Riches en nutriments et abritées des grands prédateurs, ces zones côtières et estuariennes sont propices à la croissance des jeunes poissons. De nombreuses espèces y passent leurs premières années avant de gagner le large quand leur taille le permet. D’ailleurs, la connexion entre la baie de Somme et le large est renforcée par des résultats analogues de diminution des espèces à stratégie de reproduction rapide, publiés en novembre dernier sur l’ensemble du secteur Manche Est – Mer du nord (article paru dans Current Biology, cf lien ci-dessous). Cette tendance globale serait aussi une conséquence du long historique de pêche en Manche orientale, même si l’effet de la pêche semble être de moindre ampleur que le réchauffement.
Lien vers l’article tout juste publié dans la revue Global Change Biology sur la baisse de biomasse en baie de Somme.
Lien vers l’article paru en octobre dans la revue Current Biology sur l’évolution plus globale des communautés de poisson en Manche Est-Mer du Nord.