Des changements de précipitations ont-ils précipité l'extinction de l'australopithèque robuste ?

Une équipe internationale, comprenant des chercheurs issus de quatre laboratoires français, dont le laboratoire Géodynamique et enregistrement Sédimentaire de l’Ifremer, vient de mettre en évidence que des changements majeurs du cycle hydrologique ont eu lieu au sud-est de l’Afrique au cours des deux derniers millions d’années. Ces changements pourraient avoir joué un rôle dans l’extinction de l'australopithèque robuste Paranthropus robustus.

Une région du sud-est de l'Afrique, surnommée le «Berceau de l'humanité», est extrêmement riche en sites à hominidés fossiles. Pour la période couvrant les deux derniers millions d’années, des fossiles appartenant au genre Homo ont été découverts, mais aussi des fossiles d’espèces connues uniquement dans cette région, telles qu’Australopithecus sediba vers 2 millions d’années et l'australopithèque robuste Paranthropus robustus entre environ 2 et 0,9 millions d’années.

Le contexte climatique et environnemental de cette région est très mal connu alors que des modifications majeures, notamment du cycle hydrologique, pourraient avoir joué un rôle important sur l’évolution des écosystèmes continentaux dont faisaient partie ces hominidés anciens. Les rares reconstructions du cycle hydrologique dans la moitié est de l’Afrique sur les derniers millions d’années proviennent soit de la moitié nord de l’Afrique soit du lac Malawi (10-14°S). Aucune étude n’avait documenté le cycle hydrologique sur les derniers millions d’années dans le sud-est de l’Afrique, dans la zone du bassin versant du fleuve Limpopo (20-25°S) où sont situés les nombreux sites à hominidés fossiles du «Berceau de l'humanité». D’autre part, les forçages climatiques à l’origine des changements du cycle hydrologique en Afrique du Sud restaient très débattus.

Des chercheurs de plusieurs laboratoires ont utilisé des indicateurs environnementaux sensibles aux conditions climatiques, notamment aux précipitations, contenus dans un enregistrement sédimentaire marin couvrant les 2,14 derniers millions d’années. Une simulation numérique de climat ainsi qu’une synthèse des données déjà disponibles sur l’écologie et l’environnement des hominidés Paranthropus robustus et Australopithecus sediba ont également été réalisées.

Les résultats indiquent que les précipitations du sud-est de l’Afrique, dans le bassin versant du fleuve Limpopo, sont contrôlées par l’effet des changements de l’insolation aux basses latitudes auquel se superpose un effet du changement du volume des calottes de glace des hautes latitudes pour la période d’environ 1 à 0,6 million d’années. Les résultats indiquent notamment une aridification progressive dans le bassin versant du Limpopo pour cette même période alors que la région du lac Malawi plus au nord connaît à la même époque un climat plus humide, témoignant de conditions climatiques contrastées dans le sud-est de l’Afrique.

Paranthropus robustus était une espèce qui avait une alimentation variée avec cependant une préférence pour des ressources alimentaires provenant de zones boisées ou humides au sein de milieux globalement secs et ouverts. Ceci semble également être le cas pour Australopithecus sediba.

Les modifications climatiques et environnementales pourraient-elles avoir joué un rôle dans l’évolution de ces espèces d’hominidés ?

L’étude a permis de mettre en évidence que la seule occurrence connue de fossiles d’Australopithecus sediba correspond à une période relativement humide. D’autre part, une aridification progressive combinée à des variations hydrologiques multimillénaires extrêmes (alternance de périodes sèches et humides tous les 21000 ans) pourrait avoir entraîné une raréfaction des environnements boisés et des environnements humides exploités préférentiellement par Paranthropus robustus, et pourrait ainsi avoir joué un rôle important dans l’extinction de cet australopithèque robuste après 1 million d’années.

 

Source : Actualités du CNRS-INSU