Les doctorants

Julia Machon – Doctorante équipe AMEX

Je travaille sur les facultés sensorielles des crevettes hydrothermales profondes, autour des questions suivantes :
comment les crevettes s’orientent-elles dans l’environnement hydrothermal ?
Quels sens utilisent-elles ? La vue, l’odorat, le toucher ? Des modalités sensorielles moins communes ?
Au fond de l’océan, la lumière du soleil est absente, et les animaux profonds sont donc potentiellement aveugles. Néanmoins, au niveau des sources hydrothermales, le fluide très chaud qui sort des cheminées émet un léger rayonnement, invisible pour l’œil humain. Les crevettes hydrothermales possèdent des yeux extrêmement modifiés, qui contrairement aux nôtres ne peuvent pas former d’images, mais sont peut-être capables de détecter la lumière de très faible intensité émise par le fluide chaud.
L’odorat, ou olfaction (ou chimio-réception, pour la détection de molécules chimiques), joue probablement un rôle important pour les animaux hydrothermaux. Les cheminées hydrothermales émettent un fluide riche en composés plus ou moins toxiques qui se diluent dans l’eau de mer environnante, et doivent être perçus par les animaux. J’essaie donc de comprendre si les crevettes hydrothermales utilisent la signature chimique du fluide pour détecter les cheminées et choisir leur habitat. Plus concrètement, je travaille sur leur nez ! Chez les crustacés, il n’y a en fait pas de nez au sens propre : les principaux organes chimio-récepteurs sont les antennes et les antennules, qui sont aussi impliquées dans la mécano-réception (ou plus simplement : le sens du toucher).
Une autre modalité qui nous intéresse est la thermo-réception, ou détection de la température. Le fluide hydrothermal étant très chaud, il y a un gradient de température autour des cheminées, de 350°C à la sortie du fumeur jusqu’à 2°C dans l’eau de mer. Selon les espèces, les crevettes hydrothermales se situent en général dans les zones de mélange fluide hydrothermal-eau de mer entre 8 et 30 °C approximativement, et doivent donc être capables de détecter finement la température pour choisir l’habitat qui leur convient le mieux.
Pour étudier la chimio-réception et la thermo-réception chez les crevettes de la dorsale médio-Atlantique, dans le cadre de mon doctorat, j’utilise plusieurs approches :

  • de la microscopie, pour décrire l’anatomie des antennes et des antennules,
  • de l’électrophysiologie, pour enregistrer l’activité électrique des antennes et des antennules en réponse à des stimulations avec des composés du fluide hydrothermal,
  • du comportement, pour tester l’attraction potentielle des crevettes pour la température ou le fluide hydrothermal,
  • de la biologie moléculaire, pour identifier les récepteurs moléculaires impliqués dans ces différents types de détection.

Ces expériences se font sur des échantillons récupérés lors de missions océanographiques telles que BICOSE 2. Les animaux peuvent être fixés pour des analyses ultérieures, ou étudiés vivants, par exemple lors d’expériences de comportement dans l’aquarium pressurisé IPOCAMP qui permet de maintenir les crevettes à la pression du fond, jusqu’à 300 bars, soit quasiment 300 atmosphères !

Sébastien Le Guellec – doctorant au LMEE

Après une licence générale de biologie, j’ai intégré le Master de Microbiologie Fondamentale Appliquée de l’UBO à Brest. J’ai découvert la microbiologie au cours de mes études de licence et depuis ma curiosité pour ces organismes ne m’a jamais quitté. Ils sont partout, tout autour de nous, on ne les voit pas mais sans eux la vie n’existerait pas. Les gens ont tendance à d’abord associer les microorganismes aux maladies. C’est une vision très réductrice car sur les millions d’espèces microbiennes seules quelques centaines sont responsables de maladies.
Je suis actuellement en troisième année de thèse au laboratoire de microbiologie des environnements extrêmes (LMEE). Mon sujet d’étude est : « Identification et caractérisation fonctionnelle des communautés microbiennes en interaction avec les minéralisations hydrothermales ». Cela consiste à identifier les micro-organismes qui colonisent les structures minérales hydrothermales, de déterminer les facteurs physico-chimiques (température, pH, gaz, etc) qui contrôlent les interactions entre les microorganismes et les minéralisations hydrothermales et enfin sur une plus grande échelle d’en évaluer l’impact sur l’écosystème hydrothermal en général.
Les interactions entre les microorganismes et la géosphère (qui englobe les structures minérales et les fluides hydrothermaux) constituent la base de la chaîne trophique de ces écosystèmes. Encore trop peu d’études se sont intéressées à ces mécanismes mais les premiers résultats montrent que, de par leurs activités métaboliques, les microorganismes modifient la minéralogie des cheminées et la composition du fluide hydrothermal en favorisant la dissolution ou au contraire la précipitation de certains minéraux. Les interactions vont donc dans les deux sens.
L’approche choisie pour répondre à ces différentes problématiques est l’utilisation de bioréacteur pour la réalisation de culture des communautés microbiennes issues des édifices hydrothermaux. Grosso modo, il s’agit de recréer au laboratoire les conditions du fond afin de cultiver les microorganismes de ces environnements. Cette approche permet le contrôle des différents facteurs physico-chimiques et de les modifier individuellement pour étudier l’effet de ces changements sur les communautés présentes dans la culture.
C’est ma première participation à une campagne océanographique, et je suis conscient de l’opportunité qui m’est offerte. Au laboratoire, on travaille sur des échantillons des campagnes précédentes ; difficile de se rendre vraiment compte de la difficulté pour les avoir. De jour comme de nuit, les manipulations s’enchaînent à un rythme soutenu. La notion de travail d’équipe prend tout son sens à bord, tout le monde s’entraide des scientifiques de différentes disciplines (biologistes, chimistes, géologues, techniciens, …) aux membres de l’équipage.
Mais ce qui m’impressionne le plus c’est le Nautile. Chaque plongée est un évènement unique que ce soit de la planification minutieuse quelques jours auparavant, au départ le matin de l’engin jusqu’à sa remontée en fin de journée, puis au traitement des échantillons du jour. Tout est calculé, c’est du grand professionnalisme. La France est l’un des rares pays au monde à disposer d’un tel engin et c’est bel et bien là un élément de fierté.

Joan Alfaro

Mes centres d'intérêts principaux sont l'écologie la biodiversité et la connectivité des "débris organiques" tels les bois coulés et les carcasses de baleines, et leur rôle en tant que lien de connexion de la faune hydrothermale et des suintements froids.

Après 4 années de licence générale de biologie à l'Université Autonome de Barcelone (UAB), je suis parti au Brésil pour 1 an pour me spécialiser en écologie et finaliser ma licence. Puis, j'ai intégré le Master d'Océanographie biologique de l'Institut d'Océanographie l'Université de Sao Paulo (Brésil) pendant 2.5 années où j'ai étudié les communautés profondes des débris organiques.Je suis actuellement en deuxième année de thèse au laboratoire d'Environnements Profonds (IFREMER). Mon sujet d'étude est : «Rôle de l'activité hydrothermale et de la nature du substrat sur les processus de colonisation de la faune en milieu marin profond». Cela consiste à apporter de nouvelles connaissances sur les processus de colonisation de la faune au sein du milieu marin profond à proximité des sources hydrothermales sur la dorsale médio-Atlantique. Il est basé sur une expérience de colonisation de plusieurs substrats organiques (os, bois) et inorganiques (ardoises) qui s'est déroulée entre 2013 et 2015 sur cinq sites profonds caractérisés par un niveau décroissant d'activité hydrothermale.Mon travail principal au cours de la campagne BICOSE 2 consiste en la récupération de différents substrats (bois, os, éponges, ardoises) dans un gradient hydrothermal depuis les sites de TAG et Snake pit vers les zones périphériques. De plus je vais échantillonner des sédiments profonds à des distances croissantes des sites en utilisant les carottiers USNEL, multitube et les carottiers du Nautile.

Pierre Methou

J’ai commencé mon parcours avec une licence de biologie générale à l’université Pierre et Marie Curie à Paris avant de continuer sur un master d’écophysiologie et d’écotoxicologie toujours à l’UPMC. Ce dernier m’a permis  d’étudier comment les organismes, aussi bien animaux que végétaux ou bactériens, répondent aux différents stress de l’environnement qu’ils soient « naturels » comme les variations de température, le manque d’eau, le manque d’oxygène ou d’origine humaine avec les différents types de pollutions. C’est avec ce master en deuxième année lors de cours données par Bruce Shillito, Magali Zbinden et les autres membres de l’équipe AMEX que j’ai découvert le milieu hydrothermal qui m’a tout de suite passionné. Cette dernière frontière qui a renversé beaucoup de nos à priori sur notre connaissance de la biologie avec les organismes si particuliers qui le peuplent, lors de leur découverte il y a à peine quarante ans.
Aujourd’hui, je suis en deuxième année de thèse sur le cycle de vie de la crevette Rimicaris exoculata et dans une moindre mesure de celui de Rimicaris chacei, sa « cousine » que l’on trouve aussi assez souvent sur les sites TAG et Snake Pit (ref/lien dessin de Loïc). Espèce hybride de l’IFREMER, comme ces crevettes qui vivent en symbiose avec leurs bactéries, je travaille à la fois aux laboratoires de microbiologie des environnements extrêmes (LMEE) et au laboratoire environnement profond (LEP) sous la direction de Florence Pradillon et Marie-Anne Cambon-Bonavita. Le but de ma thèse est de mieux comprendre les différentes étapes de la vie de ces crevettes en particulier les stades de vie précoces comme les œufs, les larves ou encore les juvéniles mais aussi les moments clés comme l’acquisition des différentes bactéries symbiotiques, si importantes pour la vie adulte des crevettes, ou encore la reproduction qui est l’une des principales raisons au fait que la campagne ait lieu en ce moment au mois de février.
Mon sujet très large me place donc à cheval sur plusieurs disciplines allant de la microbiologie à l’écologie tout en s’intéressant à la chimie des fluides hydrothermaux et à la géologie pour mieux comprendre les caractéristiques si particulières des habitats de ces crevettes. Le fait d’être ici à bord du Pourquoi Pas ? sur une campagne aussi pluridisciplinaire me permet donc de discuter facilement et d’avoir l’avis de gens plus expérimentés sur différents domaines pour chaque point de ma thèse. De plus ce qui pourrait à première vue être un inconvénient majeur du Nautile qui n’embarque qu’un seul scientifique à la fois pour aider les pilotes au moment du prélèvement, est en fait une véritable chance pour quelqu’un qui travaille sur un sujet comme le mien. Tout le monde doit s’intéresser et comprendre les expériences de chacun et communiquer le plus possible sur ce qu’il fait pour que tout se déroule au mieux. Sans devenir expert, on apprend beaucoup sur la discipline de chacun et l’on discerne un peu mieux cet écosystème que l’on tente de comprendre dans sa globalité.