Du 3 au 9 novembre

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Le 2 novembre, les thrusters (propulseurs) sont relevés : nous pouvons reprendre notre route. Avant de quitter la zone, nous avons la chance d’apercevoir une baleine qui semble nous narguer en passant tantôt d’un coté du bateau tantôt de l’autre. C’est avec le soleil et beaucoup de vent que nous transitons vers le troisième site de forage de la mission (site SPG4 sur la carte). Malheureusement, la vitesse du bateau est ralentie car deux moteurs sont en panne. Mais les mécaniciens tentent tout pour les réparer. Le temps de préparer le matériel et les équipes techniques abaissent déjà le pipe vers le fond. Montre en main, à peine 3 minutes suffisent aux ingénieurs pour abaisser 30 mètres de pipe sous le navire. Toutes les opérations sont suivies depuis les écrans de télé situés un peu partout sur le navire pour que les scientifiques soient prêts à l’annonce de l’arrivée des carottes sur le pont.

Nous sommes de plus en plus proches du centre du grand tourbillon du Pacifique sud. Et il n’y a plus beaucoup de vie dans cette partie de l’océan, quelques albatros viennent se poser sur le derrick. Les eaux sont particulièrement bleues et translucides avec une température moyenne de 22°C… une invitation à la baignade ! Les eaux sont très claires car le contenu en chlorophylle est faible.

A peine le temps de rêver à la terre ferme que les premières carottes sont déjà sur le pont. Il est très difficile de manipuler et de sous-échantillonner les sédiments comme on le voudrait. On a du mal à imaginer des bactéries vivantes dans ce type de matrice sédimentaire extrêmement compacte. Tim est microbiologiste et s’intéresse particulièrement aux virus. Il est convaincu que des particules virales sont présentes dans les sédiments du gyre Pacifique. Encore une fois, ce site nous révèle beaucoup de surprises. Et nous ne sommes qu’à mi-parcours de notre expédition…

Focus

Qui fait quoi dans les laboratoires du Joides Resolution ?

A bord, les scientifiques collectent et sous-échantillonnent les carottes de sédiments ou de basaltes, les analysent et compilent les données obtenues. Ils assistent les co-chefs de missions en produisant des rapports incluant les méthodes et les résultats pour chaque discipline et concernant chaque site exploré. Chacun de ces rapports apparaît ensuite dans les fameux chapitres Initial Reports du Proceedings of the Ocean Drilling Program (Publication de IODP). De nombreuses disciplines spécifiques sont impliquées dans la campagne du Gyre Pacifique sud Leg 329 :

La sédimentologie, ou pétrologie sédimentaire, est une branche de la géologie qui étudie les processus de formation des roches sédimentaires. Fumito Shiraishi, notre sédimentologiste (de l’Université de Kyushu, au Japon), fournit une description visuelle des carottes de sédiments et interprète l’histoire de la formation des dépôts et des processus sédimentaires (par exemple, la diagenèse).

Le paléontologue (à droite, Carlos Alvarez-Zarikian, également responsable de l’équipe scientifique, IODP-USIO, à l’Université du Texas A&M, USA) a la responsabilité de dater l’âge des sédiments le plus rapidement possible après la récupération à bord des carottes. Il a aussi pour fonction d’identifier et de répertorier les fossiles dans les carottes. Il étudie les restes fossiles des êtres vivants du passé et les implications évolutives de ces études.

Le pétrologiste (à droite Christopher Smith-Duque, de l'Université de Southampton, en Angleterre) classe les sections de carotte et fournit une description de tous les matériels, exceptés les sédiments récupérés pendant la campagne (i.e. basaltes, roche, etc.). Il étudie les mécanismes de formation des roches à travers leur distribution, leur structure, leur constitution et leurs propriétés.

Le paléomagnétologue conduit et supervise toutes les mesures relatives à l’intensité et l’orientation du champ magnétique des carottes. Les anomalies observées dans l’orientation du champ magnétique peuvent être corrélés à la présence de métaux, par exemple dans les carottes pas forcément visibles à l’œil nu.

Les spécialistes en charge de la description des propriétés physiques d’une carotte déterminent la célérité, la conductivité thermique et d’autres propriétés (porosité, contenu en eau et densité) caractéristiques d’une carotte.

Les géochimistes organique et inorganique mesurent les concentrations en gaz, huile (hydrocarbures), les composés organiques ainsi que les ions majeurs, les métaux en fonction de la profondeur d’enfouissement sous le plancher océanique. Ils utilisent la diffraction des rayons X et la spectrométrie d’émission atomique à induction plasma. Le géochimiste utilise des méthodes destructrices comme par exemple les presses hydrauliques pour extraire les eaux interstitielles de sédiments (Cf. semaine X, Photo de presses mécaniques) mais également non invasives comme les optodes et les microsondes pour permettent de mesurer précisément les concentrations de certains composés dissous sans perturber la carotte.

Le spécialiste du « logging » enregistre les propriétés physiques d’un puits de forage après carottage (ex : température, pression, radiation naturelle gamma…).

Le microbiologiste (à droite Tim Engelhardt, de l’Université d’Oldenburg, en Allemagne) étudie les microorganismes (ensemble de Procaryotes) dans les échantillons de carotte de sédiments. Il est en charge des comptages cellulaires totaux (bactéries et virus), de la mise en culture et de l’utilisation d’outils moléculaires pour étudier la diversité et les fonctions des microorganismes au sein des sédiments marins. Il supervise également l’utilisation de traceurs de contamination par les fluides de forage (PFT et microsphères fluorescentes).

Glossaire

Chlorophylle : le principal pigment assimilateur des végétaux photosynthétiques. C’est un pigment situé dans les chloroplastes des cellules végétales, qui intervient dans la photosynthèse pour intercepter l’énergie lumineuse, première étape dans sa conversion en énergie chimique. Son spectre d’absorption du rayonnement lumineux est responsable de la couleur verte des algues par exemple.

Diagenèse : l’ensemble des processus physico-chimiques et biochimiques par lesquels les sédiments sont transformés en roches sédimentaires.

Diffraction X : la Diffractométrie de Rayons X (DRX, on utilise aussi souvent l’abréviation anglaise XRD pour X-ray diffraction) est une technique d’analyse fondée sur la diffraction des rayons X sur la matière. La diffraction des rayons X est caractéristique de la matière rencontrée.

Foraminifères : Protozoaires (eucaryotes unicellulaires de moins d’un millimètre) hétérotrophes qui ingèrent leur nourriture par phagocytose, apparus au Cambrien (qui s’étend de -542 à -488 millions d’années).

Optode : sonde qui mesure optiquement une substance spécifique habituellement à l’aide de capteur chimique (ex : concentrations en oxygène dissous).

Pipe : long tube métallique servant de guide au carottage.

Spectrométrie d’émission atomique à induction plasma : produit des atomes ou des ions émis sous forme de radiation électromagnétique caractéristique d’un élément en particulier (ex : ICP-AES, technique analytique de détection des éléments traces). L’intensité de l’émission est un indicateur de la concentration de l’élément dans un échantillon.