Du 27 octobre au 2 novembre
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Cette troisième semaine commence avec quelques problèmes techniques au niveau des câbles destinés au carottage. Ce désagrément a pour effet de ralentir la progression des opérations de forage. D’autre part, la dureté des basaltes ne rend pas la tâche facile aux équipes techniques impliquées dans le forage. Celui-ci devient en effet très lent avec une progression d’environ 1 mètre par heure. Finalement, aux dires de nos collègues géologues et pétrologistes, l’efficacité de récupération des basaltes est très satisfaisante. Ces derniers ne révèleront leurs secrets enfouis depuis des millions d’années que plus tard, après une analyse minutieuse de morceaux de roches par les géologues.
Bien que les basaltes soient très anciens, l’intérieur de certaines d'entre eux révèle la présence de veines (voir photo ci-contre, crédit L. Toffin). La présence de bactéries capables de tirer leur énergie de minéraux présents dans les basaltes tels que le fer ou encore le manganèse reste encore a démontrer. Et les sources de carbone disponibles pour les bactéries de la biosphère profonde sont encore inconnues.
En 1955, d’après Morita et Zobell, la limite inférieure de la biosphère souterraine marine s’arrête à 7,47 mètres sous le plancher océanique. Cette valeur correspond à la limite de détection obtenue à l’aide des techniques de dénombrements actuelles.
De leur côté, les microbiologistes, portent une attention particulière aux problèmes de contamination par les fluides de forage. Dans ce but, un traceur chimique (PFT, ou PerFluorocarbone) et des microsphères fluorescentes de la taille d’une bactérie sont injectés dans le fluide de forage (eau de mer) afin de détecter une éventuelle contamination de nos précieux échantillons par le fluide de forage. Ainsi, deux échantillons de sédiment (des minis carottes) sont prélevés au centre de la section de carotte et à l’extérieur, la partie potentiellement la plus exposée au fluide de forage. Les microbiologistes ont débuté les incubations dans des milieux de cultures afin d’isoler de nouvelles espèces inféodées aux sédiments marins profonds du Gyre Pacifique sud. Les virus seront également recherchés.
Après deux jours de transit, le site SPG1 est maintenant derrière nous. Pour chaque site, chaque discipline scientifique se doit de rédiger un rapport et de tenir une réunion présentant les premiers résultats. Nous sommes maintenant arrivés au centre du Gyre Pacifique sur le site SPG2. Cette fois-ci, seulement trois carottes de 9 mètres seront extraites dans quatre puits différents. Il n’est pas prévu de prélèvement de basalte. Mais de longues journées de travail nous attendent.
Samedi 30 octobre, tradition américaine oblige, la fête d’Halloween est annoncée. Au programme : déguisement, projection de film, musique et un peu de détente pour une partie de l’équipe. Les autres devront continuer à préparer les échantillons. A la grande surprise de nos collègues japonais, les cuisiniers nous ont préparés de succulents sushis et sashimis de thon et de saumon.
Focus
Comment expliquer la présence de bactéries en profondeur ?
L’une des méthodes utilisées pour étudier la biosphère souterraine est la phylogénie. Il s’agit de comparer les gènes (par exemple, l'ARN ribosomique) de plusieurs espèces pour comprendre leur évolution. Cette approche moléculaire est employée pour étudier la diversité microbienne dans des échantillons prélevés dans l’environnement. Ainsi, des études phylogénétiques de la diversité microbienne de la biosphère profonde suggèrent que des échanges ont eu lieu entre les environnements souterrains et les sédiments de surface. Ces environnements ne semblent donc ni hermétiques ni statiques. La similitude entre les communautés microbiennes et les activités des deux milieux conduisent même à émettre l’hypothèse d’une connexion directe.
Certains groupes phylogénétiques semblent exister exclusivement et naturellement dans les écosystèmes souterrains. On dit qu’ils sont endémiques de cette zone. En effet, les inventaires moléculaires ne permettent pas d’identifier des représentants homologues à partir d’échantillons de sédiments de surface. D’autres groupes sont retrouvés uniquement dans les sédiments marins profonds.
Alors, quelle est l’origine de la présence de vie à de telles profondeurs ? Plusieurs hypothèses sont envisagées:
- des migrations de bactéries depuis la surface par des processus naturels géologiques (failles, fractures, tectonique des plaques, etc.)
- des migrations latérales ou verticales de bactéries avec l’eau de surface, via les infiltrations, les flux hydrodynamiques et les mouvements de fluides
- une capture des microorganismes dans les sédiments lors de leur formation.
Aujourd’hui, l’existence d’une biosphère profonde reste encore énigmatique. L’analyse des carottes de sédiment et de basalte prélevés dans le gyre pacifique sud apportera peut-être une réponse…
Références bibliographiques :
Cassandre Lazar - Thèse de l’Université de Bretagne Occidentale, Brest. «Diversité et activité des communautés microbiennes dans des sédiments marins associés aux émissions de fluides froids », 2010.
Laurent Toffin - Thèse de l’Université de Bretagne Occidentale, Brest. «Approches culturales et moléculaires de la diversité bactérienne associée aux sédiments marins profonds (Leg 190, ODP) », 2003.
Thomas M. et Alba L. 2007. Biosphère profonde. Microbiologie appliquée aux géosciences. Université Henri Poincaré, Nancy.