Du 1er au 10 décembre

Après deux mois passés sur le navire américain Joides Resolution, la campagne IODP Pacific gyre leg 329 touche à sa fin.

Cliquez sur les images pour les agrandir et en savoir plus.

La dernière carotte du site SPG12 est annoncée. Les équipes travaillent dur pour terminer l’échantillonnage de ce dernier site. SPG12 est le site de référence car situé en dehors du Gyre pacifique sud. Par malchance, la houle intense et les vents violents de ces derniers jours ont finalement eu raison du câble de carottier. Celui-ci a cédé sous les forces de tension, et a été sectionné en deux. Les équipes techniques se sont efforcées de récupérer le câble et le carottier en fond de puits afin de réparer l’avarie. Chose pas facile à réaliser sous 5000 m de fond. Apres 14 heures d’acharnement, le câble est enfin remonté avec tout l’équipement associé. Les opérations peuvent reprendre avec de petits changements de programme. Un seul trou sera partagé pour les géochimistes et les microbiologistes car nous devons reprendre rapidement notre route après ce site. Au total, 130 m de sédiment, soit 14 carottes de 9 mètres environ, ont été traitées. La toute dernière carotte est sur le pont. Ensuite, pour certains échantillons, l’utilisation de la chambre anaérobie et de sacs scellés en aluminium remplis de gaz inerte (azote) s’avère nécessaire pour maintenir une atmosphère anaérobie, c’est-à-dire sans oxygène.

Les scientifiques ainsi que les co-chefs de missions sont contents du travail effectué et de l’esprit d’équipe. La dernière carotte est aussi l’occasion de faire une photo souvenir de l’équipe de « découpe » des carottes en chambre froide. Nos collègues de l’équipe de nuit nous rejoignent également pour une photo du groupe de microbiologie dans son intégralité.

Un concours de cerf-volant est annoncé depuis plusieurs jours. Les participants se documentent et se creusent les méninges pour confectionner avec les moyens du bord, le plus joli, le plus spectaculaire, le plus innovant, le plus petit et le plus dangereux cerfs-volants. Un prix est également décerné au cerf-volant « VOLANT ». Mon collègue japonais (Yasu) et moi-même avons mis tout notre cœur à l’ouvrage. Pourtant, après maintes tentatives et modifications, notre cerf-volant n’a pas pu montrer le meilleur de lui-même. Comme à l’accoutumée, un concours du logo de la mission est lancé. Après un vote officiel et anonyme, c’est notre collègue pétrologiste Chris qui remporte le prix.

Pendant le transit, il est temps de ranger les caisses de matériels, répertorier la liste des échantillons à rapatrier en France, nettoyer les laboratoires pour le leg suivant et surtout préparer ma valise pour le débarquement.

Il faut aussi penser à remettre nos pendules à l'heure. Nous procédons à un saut dans le futur puisque la journée du 9 décembre est supprimée du calendrier. D’autre part, nos montres sont avancées d’une heure pour s’accorder avec l’heure neozélandaise. Arrivée prévue au port d’Auckland, en Nouvelle-Zélande, tôt le matin lundi 13 décembre si notre vitesse n’est pas changée en raison d’une forte houle et d’un vent de face.

Au terme de deux mois passés sur le Joides Resolution, je n’oublierai pas cette grande expérience scientifique et humaine. Mais je suis aussi enchanté de pouvoir revoir la terre ferme mais surtout ma femme et mon fils que j’ai quitté il y a maintenant deux mois et demi.

Un grand merci à tous : l’équipe du Joides Resolution, la Scientific Party, Clémentine Jung du service de communication de l'Ifremer pour son aide précieuse dans la mise en ligne du blog et ses conseils et idées, les gens à bord ou à terre qui ont contribué de près ou de loin à ce blog.

Bonnes fêtes de fin d’année 2010 à tous les lecteurs !

Focus

Qui sont Nankai 1T et PM70-1T ?

Pour ce dernier focus, Laurent vous présente deux espèces de bactéries capables vivre dans les sédiments marins profonds.

Souche Nankai 1T 

Cette bactérie a pour nom latin Methanoculleus submarinus (la préposition sub signifie "sous" ; l'adjectif marinus signifie "marine" ; donc "qui provient de sous la mer"). C’est une Archaea méthanogène isolée à plus de 247 m sous le plancher océanique, et 950 mètres de profondeur sous l’eau, dans des sédiments marins profonds contenant des hydrates de gaz de la fosse Nankai au large du Japon.

En forme de coques irrégulières (diamètre moyen de 0,8 à 2 microns), les cellules sont mobiles. Cette souche utilise de l’hydrogène (H2) ou du formate pour se développer et produire principalement du méthane (CH4). Cette souche a besoin d’acétate comme source de carbone. Les cellules sont dites mésophiles car elles sont capables de se multiplier rapidement à la température de 45 °C. Elle ne peut pas se développer en-dessous de 10 °C, ni au-dessus de 55 °C. Le temps de doublement (formation de deux cellules à partir d’une) à 45 °C est de 2,43 jours. Elle se développe à des pH compris entre 5.0 à 8.7. La gamme de salinité pour sa croissance s’étend de 0,1 à 1,5 M de sodium. C’est la première souche méthanogène isolée de sédiments profonds riches en hydrate de gaz.

Souche PM70-1T

La bactérie Archaeoglobus sulfaticallidus est forme de lobe et triangulaire (entre 0,4 et 2,2 microns). Les cellules sont immobiles, seules ou en paires, et parfois sous forme de chaînettes de 5 cellules.Elle a été isolée dans des dépôts noirs formés sur des surfaces métalliques d’un observatoire long terme profond (CORK 1026B), à la sortie d’un fluide chaud (64 °C) situé à 2658 mètres de fonds sur le flanc Est de la ride de Juan de Fuca dans l’Est de l’Océan Pacifique.

Les cellules sont auto-fluorescentes lorsqu’on les excite à la lumière Ultra Violet.

Cette bactérie se développe à une optimum de température de 75°C, on dit donc qu'elle est thermophile. Elle est anaérobie strict, et se développe avec de l’hydrogène et du CO2. Elle est aussi lithoautotrophe et sulfato-réductrice, ce qui signifie qu'elle utilise le sulfate, le sulfite et le thiosulfate comme accepteurs d’électrons. Le lactate et le pyruvate peuvent servir de sources de carbone et d’énergies alternatives.