Tendance : une amélioration qui reste insuffisante
L’année 2020 s’inscrit dans le sillage des années précédentes avec des chiffres qui attestent d’une exploitation plus durable des populations de poissons pêchées en France. Cette amélioration constatée ne doit toutefois pas masquer les importants efforts qui restent à accomplir pour se hisser au niveau des objectifs fixés par la Politique Commune de la Pêche, encore loin d’être atteints.
Si on observe à la loupe les débarquements français en 2020, on constate que la part des poissons issue de populations pêchées durablement augmente. Une amélioration dont on peut se réjouir mais dont il ne faut pas se contenter. Malgré des chiffres en nette progression, l’objectif premier de la Politique Commune de la Pêche (PCP) -à savoir 100 % des populations pêchées au niveau du Rendement Maximum Durable en 2020- n’est pas réalisé, pas plus que celui de la Directive-cadre Stratégie pour le Milieu Marin (DCSMM) qui préconise le retour au bon état écologique de l’ensemble des populations halieutiques.
Le bilan montre également que si le volume des populations de poissons classées en « bon état » augmente dans les débarquements, la dynamique n’est pas la même quand on raisonne, non plus en volume global, mais population par population. On constate ainsi qu’après une forte amélioration du nombre de populations évaluées « en bon état » dans les années 2000, cette progression se ralentit dans les années récentes.
« Dans le domaine halieutique, les évolutions se mesurent sur le long terme. Il faut du temps pour qu’une population se rétablisse après une réduction de la pression de pêche, surtout pour les espèces à vie longue ».
Alain Biseau, biologiste des pêches à l’Ifremer
Les tendances doivent donc s’observer sur plusieurs décennies et sur ce plan les chiffres confirment une nette amélioration en volumes de l’état des populations de poissons depuis 20 ans. « Il faut se souvenir que seuls 15 % des poissons provenaient de populations exploitées durablement au début des années 2000 en France » souligne Alain Biseau, biologiste des pêches à l’Ifremer. Si la démographie des populations de poissons traditionnellement pêchés dans les eaux européennes a repris des couleurs les deux dernières décennies, la science n’est pas pour rien dans cette vitalité retrouvée. Son défi est aujourd’hui d’accélérer le tempo pour que la courbe continue son ascension favorable.
La science avance pour mieux connaître les populations de poissons
Les chercheurs ne cessent d’améliorer leurs connaissances sur la biologie, l’écologie et la dynamique des communautés de poissons. Ils ne privilégient plus uniquement l’étude spécifique de telle ou telle population. Ils s’intéressent plus largement aux poissons dans leur milieu et aux interactions qu’ils nouent car la bonne santé d’une espèce est irrémédiablement liée aux conditions de son environnement : c’est ce qu’on appelle l’approche écosystémique de la pêche.
La « radiographie » des populations de poissons est aussi plus complète qu’avant avec aujourd’hui un panel de 160 populations suivies pour la France métropolitaine contre 80 seulement en 2000. Beaucoup moins d’espèces de poissons échappent ainsi aux radars des scientifiques. Grâce à cet éventail élargi de données, ceux-ci peuvent faire des projections pour anticiper l’évolution des principales populations exploitées en fonction de différents scenarios de gestion et déterminer plus précisément les niveaux de prélèvements compatibles avec un objectif de développement durable.
La recherche en appui de politiques publiques plus ambitieuses
Ces avancées de la science permettent aussi aux représentants des pouvoirs publics d’avancer à leur tour vers des politiques plus durables des pêches autour de l’adoption de quotas ou de l’instauration de plans de gestion spécifiques visant à préserver la ressource. Objectif : que les prélèvements effectués n’entravent pas le renouvellement des générations de poissons.
Plusieurs exemples dans l’histoire récente témoignent que face aux alertes émises par les scientifiques sur l’effondrement de certaines catégories de poissons, des plans d’urgence ont permis de redresser la barre. Le merlu du golfe de Gascogne et de la mer Celtique ou le thon rouge de Méditerranée et de l’Atlantique dont les populations sont aujourd’hui reconstituées en sont de brillantes illustrations.
Connaître pour protéger : ces très précieux poissons rares
Pas d’exploitation sans conservation : l’avènement d’une pêche plus durable va de pair avec l’avancée des connaissances scientifiques sur les écosystèmes, gage d’une meilleure préservation des milieux. L’Ifremer et ses équipes repoussent quotidiennement cette frontière du savoir à l’instar de l’Unité halieutique Manche Mer du Nord qui s’est intéressée dans une étude à des poissons peu décrits dans la littérature scientifique : des espèces qui se distinguent par des stratégies écologiques particulièrement originales. Mais pour rares qu’ils soient, leur importance est précieuse pour le bon équilibre de l’écosystème.