Écosystèmes

Les écosystèmes profonds des marges continentales

On appelle marge continentale la zone de l’océan constituant la transition entre la limite du plateau continental et la plaine abyssale. La majeure partie des sédiments issus de l'érosion du continent y est transportée. Les marges continentales offrent des conditions environnementales très variées, liées à :

  • la profondeur (de 200 à 5000 m),
  • la productivité primaire de surface et les apports continentaux,
  • la topographie du fond,
  • la géologie sous-jacente,
  • ou encore les transports de sédiments le long de la pente.

L’amélioration des techniques de cartographie géophysique des fonds sous-marins et l’exploration récente par submersible ont permis de décrire plusieurs habitats et écosystèmes, comme les sources de fluides froids, les récifs de coraux, ou les canyons, correspondant à la diversité des contextes géomorphologiques et trophiques. Malgré cela, la biodiversité de ces écosystèmes de fond de mer, et les facteurs externes qui structurent les communautés, sont encore peu connus.

Les sources froides

Les sources froides sont l’un des écosystèmes originaux des marges continentales : ils contrastent avec les sédiments environnants par de fortes densités et biomasses de faune dominée par des espèces endémiques. Ces écosystèmes se développent dans des contextes géologiques particuliers, qui favorisent l’expulsion sous pression de fluides interstitiels enrichis en méthane, souvent en relation avec la formation d’hydrates de méthane ou la présence d’hydrocarbures lourds.

L’apport de méthane est à l’origine du développement de communautés microbiennes, qui réalisent la chimiosynthèse et sont les premiers maillons de la chaîne alimentaire. Ces écosystèmes sont en grande partie indépendants de la production primaire de surface, comme ceux des sources hydrothermales sur les dorsales océaniques. La chimiosynthèse est à la base du développement des communautés animales qui contribuent, par leur originalité à la biodiversité des marges continentales. Du fait de leur lien avec les hydrocarbures, ces écosystèmes sont susceptibles d’être endommagés par les activités pétrolières en grand fond.

Le pockmark REGAB, dans le golfe de GuinéeYou do not have sufficient rights to view this object ; Authenticate

Il y a une dizaine d’année, des géologues de l’Ifremer ont découvert un pockmark de 800 m de diamètre (lors du projet ZAIANGO), localisé à 8 km du chenal du fleuve Congo, à 3200 m de profondeur. Cette structure est caractérisée par des émissions de fluide et gaz très actives. Le projet BIOZAIRE d’étude des écosystèmes (1998-2004) a mis en évidence que ce pockmark était colonisé par des communautés particulières, denses et diversifiées. Le méthane émis en surface sous forme de gaz, ou observé à l’état solide (hydrates de méthane) se dissociant, est à l’origine de la chimiosynthèse microbienne. Les micro-organismes qui vivent libres dans les sédiments ou en symbiose dans des invertébrés de grande taille utilisent le méthane ou les sulfures produits dans les sédiments grâce à l’énergie du méthane pour produire de la matière organique et réaliser ainsi le premier maillon de la chaîne alimentaire.

Les communautés biologiques des sources de fluides froids

Ces communautés sont composées d’espèces proches de celles des sources hydrothermales, souvent de grande taille, et qui présentent des adaptations à un milieu contraignant. Ce milieu est notamment riche en hydrogène sulfuré et pauvre en oxygène, mais compte également des espèces opportunistes qui viennent profiter d’une production accrue à partir du milieu environnant.

La biomasse est généralement dominée par des invertébrés qui vivent en symbiose avec des bactéries qui utilisent le méthane ou les sulfures : bivalves de la famille des mytilidés ou vésicomyidés, vers tubicoles polychètes de la famille des siboglinidés.

Le pockmark REGAB présente l’intérêt d’être caractérisé par une diversité d’habitats définis par les gradients chimiques, le substrat, et les espèces dominantes. Cette hétérogénéité est à l’origine d’une diversité faunistique de la faune de petite taille élevée à l’échelle du pockmark.

D’autres pockmarks ou d’autres types de structures géologiques (diapirs) identifiées dans la région et situées à différentes profondeurs sont également colonisées par ces communautés biologiques exubérantes et basées sur la chimiosynthèse. Les communautés colonisant les différentes structures géologiques peuvent différer par leur composition, leur densité, leur étendue spatiale. A plus grande échelle des communautés similaires sont connues dans le Golfe du Mexique entre 350 et 3500m de profondeur (Fisher, Cordes).