CARMEN : recherche sur les microalgues responsables de la ciguatera
La ciguatera est une intoxication alimentaire causée par la consommation de poissons ou de fruits de mer contaminés par des toxines produites par des microalgues toxiques de type dinoflagellés (Gambierdiscus spp.). Cette intoxication se caractérise par des troubles digestifs, neurologiques et cardiovasculaires. La ciguatera est présente dans les régions tropicales. Trois zones sont majoritairement touchées au niveau mondial : l’océan Pacifique, le bassin caribéen et l’océan Indien. Des cas récents d’intoxication ont aussi été signalés aux îles Canaries et aux Açores. Dans les Antilles françaises, les cas avérés de ciguatera sont systématiquement déclarés par les médecins auprès de l’Agence régionale de santé (ARS). Il manque toutefois des informations sur les espèces de microalgues impliquées, les toxines produites et leur répartition géographique.
Le projet CARMEN (Ciguatera aux Antilles françaises : recherche sur les microalgues aux effets nocifs) a pour objectif d'affiner l’identification des microalgues responsables de la ciguatera, leur répartition géographique et la toxicité des molécules synthétisées.
Des microalgues toxiques variées impliquées dans la ciguatera
Dans les Antilles françaises, la ciguatera survient davantage dans les îles du nord que celles au sud, la Martinique étant une zone charnière. Depuis 2002, une augmentation des cas de ciguatera est observée en Guadeloupe, ce qui a entraîné l’interdiction de la commercialisation de certaines espèces de poissons à risque. En Martinique, le nombre de cas déclarés semble également en augmentation ces dernières années.
Les molécules responsables de la ciguatera, appelées ciguatoxines, ont été identifiées dans les années 90 pour la région du Pacifique. Elles sont produites par des microalgues dinoflagellés du genre Gambierdiscus. Ces phycotoxines s’accumulent tout au long de la chaîne alimentaire et se retrouvent en forte concentration surtout dans les poissons carnivores en bout de chaine.
Il a été montré que les espèces du genre Gambierdiscus produisent plusieurs autres groupes de composés bio-actifs (maïtotoxines, acides gambieriques, gambieroles, gambierones et gambieroxides). Leurs contributions à l'intoxication ciguatérique reste à clarifier. De plus, d’autres dinoflagellés toxiques vivent en association avec la microalgue Gambierdiscus. Le genre Ostreopsis produit par exemple des neurotoxines, et le genre Prorocentrum synthétise des toxines diarrhéiques. Ces toxines pourraient également être impliquées dans la ciguatera. Ces composés en plus des ciguatoxines expliqueraient la variabilité des symptômes observés selon les zones géographiques. L’identification spécifique est donc cruciale pour la gestion du risque, mais les espèces et les souches sont morphologiquement très proches, ce qui rend l’utilisation d’outils moléculaires indispensable.
Identifier les microalgues responsables de la ciguatera grâce aux outils moléculaires
Tout d’abord, des prélèvements seront effectués dans les Antilles françaises (Saint-Martin, Saint-Barthélemy, la Guadeloupe et la Martinique). Les microalgues collectées seront ensuite mises en culture, ce qui facilitera leur identification. Celle-ci se fera selon une approche morphogénétique qui combine des techniques d’observation (microscopie optique et microscopie électronique à balayage) et des analyses moléculaires. Pour terminer, la caractérisation chimique des molécules synthétisées par les dinoflagellés en culture sera réalisée, ainsi que l’évaluation de leur toxicité.