Les proliférations de microalgues en baisse depuis 20 ans
Rouge, brun, vert… Avec le soleil printanier et le réchauffement de l’eau, la mer peut se colorer sous l’effet de la prolifération du microphytoplancton, ces microalgues dont certaines sont nuisibles ou toxiques. On parle dans ce cas de HAB (Harmful Algal Bloom). La quantité totale de phytoplancton est en baisse en Manche depuis 20 ans comme le montrent les mesures in situ et les suivis par satellite. Un bilan sera présenté lors du colloque S3-Eurohab à Caen le 16 mai.
Un projet franco-anglais pour une meilleure utilisation du satellite Copernicus Sentinel 3
Le projet S3-Eurohab (Interreg France-Manche-Angleterre) vise à mieux utiliser les données issues du nouveau satellite européen Copernicus Sentinel 3. L’objectif est de continuer à suivre des paramètres clés comme la teneur en chlorophylle, qui est un marqueur de la quantité de phytoplancton dans le milieu. L’objectif est aussi de suivre certaines espèces nuisibles ou toxiques grâce au satellite, comme la micro algue Karenia mikimotoi qui provoque des marées rouges. Avec l’ambition d’aboutir à un système d’alerte en ligne sur la qualité de l’eau (précisions sur le site du projet).
Les 20 ans de recul quant aux données satellitaires permettent déjà de tirer deux conclusions. D’une part, ces données, qui garantissent un suivi sur des surfaces importantes, sont cohérentes avec les prélèvements et campagnes de mesure effectués sur site. D’autre part, elles confirment une tendance globale à la baisse de la biomasse de phytoplancton. « Cette évolution est liée à la baisse des éléments nutritifs apportés par les fleuves, essentiellement l’azote et le phosphore. Le premier pic printanier de prolifération en mars-avril reste important, mais ensuite les concentrations en chlorophylle sont plus réduites, d’un facteur dépassant 30% sur certains sites », souligne Francis Gohin, chercheur au laboratoire d’écologie pélagique à l’Ifremer. Un constat à nuancer avec la persistance des HAB dans certaines configurations locales.
Un bilan sera justement présenté le 16 mai à Caen dans le cadre du projet S3-Eurohab (précisions pratiques ci-dessous). L’événement est organisé par la station Ifremer de Port-en-Bessin (14), particulièrement impliquée dans le projet via des mesures notamment en baie de Seine. Des mesures incontournables pour calibrer les données obtenues par satellite.
Un suivi complémentaire aux mesures sur le terrain
La surveillance du phytoplancton est en effet réalisée habituellement à travers des prélèvements d'eau et des comptages à l’aide d’un microscope. En France, ce type d’échantillonnage est mené chaque mois sur plusieurs centaines de points. Ces mesures peuvent être complétées grâce à des bouées instrumentées ou via des campagnes de mesure à bord de navires. La fréquence d’échantillonnage peut alors être de l’heure voire de la minute, pour un meilleur suivi temporel du HAB.
Le colloque S3-Eurohab aura lieu le 16 mai dans l’amphithéâtre Jean Jacquet, à l’université de Caen Campus 1 (plan d’accès ici). A partir de 13h30 sera présenté le bilan des 20 ans d’observation satellitaire du phytoplancton, avec quelques exemples plus précis de HAB. Ce colloque réunira les partenaires du projet S3-Eurohab mais aussi d'autres acteurs du milieu marin, comme les Agences de l'Eau et les professionnels de la mer.
L’observation citoyenne en renfort pour la science: le projet Phenomer permet depuis 2013 au grand public de signaler les phénomènes d’efflorescences de micro algues, grâce à l’envoi de photos et de prélèvements issus d’eau colorée. Comme le montre l’article publié dans la revue scientifique Marine Policy en mars dernier, cette participation citoyenne a permis de déceler plusieurs dizaines de blooms qui n’avaient pas été détectés par les suivis scientifiques habituels.