Chaud et froid dans le bassin de Guaymas

La découverte des sources hydrothermales océaniques dans le Pacifique oriental, il y a plus de 30 ans, puis celle des zones d'émission de fluides froids dans le golfe du Mexique quelques années plus tard, a profondément modifié la vision des océanographes sur la biologie de l'océan profond : le plus vaste écosystème de la planète ne se limite pas à de vastes habitats froids et obscurs. Le long des dorsales océaniques, sur les arcs volcaniques, dans les zones de subduction, et sur les marges continentales passives, des "oasis de vie" existent, grâce à la chimiosynthèse bactérienne.

Comment fonctionne un système hydrothermal ?

Les dorsales océaniques, lieu d'écartement des plaques et de formation de la croûte océanique, sont le siège d'une intense activité tectonique, volcanique et hydrothermale. Dans ces zones, l'eau de mer s'infiltre dans les fractures du plancher océanique et se réchauffe rapidement en approchant des chambres magmatiques. L’eau de mer ainsi chauffée, réagit fortement avec les roches traversées et se charge de minéraux variés. Plus chaude, donc plus légère, elle remonte et jaillit sur le fond à des températures pouvant atteindre plus de 400°C. Le mélange de ce fluide chaud et réduit avec l'eau de mer froide et oxygénée se traduit par des précipitations minérales qui forment des cheminées hydrothermales autour desquelles vit une faune luxuriante.

Les sites hydrothermaux du bassin de Guaymas sont particuliers puisqu’ils sont caractérisés par la présence de sédiments riches en matière organique traversés par les fluides hydrothermaux lors de leur remontée. La distribution des communautés microbiennes et animales est influencée par le gradient vertical de température. Ces sites abritent une faune luxuriante de bivalves et de vers polychètes dont le plus emblématique est le ver géant Riftia pachyptila.

Qu'est ce qu'une zone d'émission de fluide froid ?

Les marges continentales constituent des zones majeures d'accumulation de sédiments de diverses origines. Ces sédiments, riches en matière organique, sont enfouis et sont dégradés au fil du temps, formant des réservoirs d’hydrocarbures enfouis. Différents processus contribuent à la résurgence, à la surface des sédiments marins, de ces émissions de fluides chargés en hydrocarbures.
Sur les marges continentales passives (golfe du Mexique et golfe de Guinée par exemple), la pression des sédiments accumulés force la sortie des fluides tandis que dans le cas des marges actives (fosse du Japon, prisme de la Barbade par exemple), le processus de subduction entraîne leur migration. Ces émissions sont appelées "émissions de fluides froids" par opposition aux fluides chauds des sources hydrothermales.
Les fluides émis sont généralement riches en hydrocarbures légers dont le méthane, qui est l’une des principales sources d'énergie des micro-organismes chimiosynthétiques. Ces derniers vont permettre l’installation de riches communautés animales.
Des zones d’émission de fluides froids ont été mises en évidence le long d’une faille transformante de la marge de Sonora, au nord du bassin de Guaymas. Des populations denses de vers tubicoles et de mollusques bivalves y ont déjà été observées.

Zone étudiée au cours de la campagne

De part la présence simultanée, dans un environnement sédimentaire, de sites hydrothermaux et de zones d’émission de fluides froids, le bassin de Guaymas est un lieu unique propice à l’étude comparative, en l’absence de barrière biogéographique, de ces écosystèmes basés tous deux sur la chimiosynthèse microbienne.