Rechercher des pistes d’amélioration pour une pêche plus durable
Pour réduire l’impact des pêcheries sur les écosystèmes et préserver la ressource halieutique, les scientifiques sont pleinement mobilisés dans la recherche de solutions.
La politique commune de la pêche (PCP) à l’échelle européenne « fixe les conditions de conservation des ressources halieutiques et de gestion des pêcheries et des flottes qui en assurent l’exploitation ». Entre les efforts à poursuivre pour soutenir la durabilité des ressources, l’impact du changement climatique, ou encore l’actualité économique du secteur (Brexit, Covid-19, inflation..), la bonne gestion de la pêche est confrontée à des questions de plus en plus complexes. Les scientifiques jouent un rôle essentiel pour apporter des connaissances et proposer des pistes d’avenir. En voici quelques exemples.
Des filets intelligents couplant vidéo et intelligence artificielle
La première piste consiste à améliorer la sélectivité des engins de pêche. L'objectif est de diminuer la proportion de juvéniles capturés, de limiter les rejets et d’accorder le temps de se reproduire aux espèces à croissance lente comme le cabillaud ou le merlu. Il s’agit donc de laisser à l’eau les poissons jeunes qui contribuent au fonctionnement de l’écosystème. Des recherches sont en cours sur l’optimisation des tailles minimales de capture et des maillages des engins. Les technologies numériques permettent aussi d’envisager des filets intelligents, capables de s’ouvrir ou de se fermer en fonction des espèces ciblées, grâce à l’utilisation combinée de caméras et d’intelligence artificielle.
D’autres possibilités sont étudiées pour réduire l’impact sur les habitats des poissons, par exemple en développant des chaluts qui s’enfoncent moins profondément dans le sédiment, ou en réhabilitant des modes de pêche comme les casiers ou les nasses à poissons.
Deuxième piste : l’analyse et la comparaison de différentes mesures de gestion (par exemple la réduction de l’effort de pêche ou des fermetures spatiales de zones) à partir de modèles bioéconomiques élaborés, qui aident les gestionnaires à mesurer les compromis entre l’exploitation des ressources et leur conservation. Pour cela, il faut aussi développer de nouveaux indicateurs de durabilité écologique, économique et sociale pour mieux mesurer les impacts et mieux identifier les méthodes de pêche les plus vertueuses.
Intégrer les relations prédateur-proie dans les outils de calcul
La troisième piste consiste à intégrer davantage la dimension écosystémique dans les objectifs de gestion des pêcheries. C’est d’ailleurs l’une des orientations proposées pour la réforme de la Politique commune de la pêche. Les diagnostics des scientifiques sont aujourd’hui basés sur une approche espèce par espèce, renseignant une population donnée dans une zone précise. L’idée est dorénavant de prendre en compte les paramètres plus globaux de l’environnement, et les impacts sur l’écosystème de l’exploitation de cette population.
« Nous étions confrontés en mer d’Irlande à un effondrement des populations de poissons blancs. »
David Reid, Marine Institute (Irlande)
En mer d’Irlande, le projet CIEM WKIRISH développe justement cette approche écosystémique. L’un de ses pilotes, David Reid du Marine Institute (Irlande), explique le contexte: « Nous étions confrontés en mer d’Irlande à un effondrement des populations de poissons blancs, ce qui a conduit les représentants de la filière pêche à solliciter l’appui des scientifiques. Nous avons travaillé sur un modèle qui intègre des paramètres environnementaux comme la température et des paramètres sur les interactions alimentaires entre les différentes espèces de la mer d’Irlande, du plancton en passant par le cabillaud, l’églefin ou la sole. Des acteurs et parties prenantes de la filière, des pêcheurs et des ONG, ont contribué au projet ». Les connaissances des pêcheurs ont notamment permis de décrypter le régime alimentaire des principales espèces commerciales. « Pas moins de 50 interactions prédateurs - proies ont ainsi été mises en évidence. La pertinence du modèle et le suivi dans le temps de l’évolution des pêcheries ont été améliorés ».
Les seuils de mortalité par pêche peuvent ainsi être revus à la hausse quand l’état de l’écosystème est bon mais aussi à la baisse quand les paramètres révèlent une situation globalement moins favorable, tout en restant dans les limites du rendement maximum durable par principe de précaution.
Les modélisations scientifiques permettent ainsi de mieux refléter la complexité des écosystèmes marins. L’objectif est de mieux comprendre la dynamique des populations dans leur environnement et de déterminer plus finement les niveaux de pêche acceptables dans une perspective de pérennité de la ressource. Progressivement, de nouveaux modes de gestion plus écosystémiques émergent. Dérèglement climatique, crise de la biodiversité, pollution accrue… Dans le contexte du changement global, les critères de la durabilité eux-mêmes sont pour partie à réinventer.