Focus sur les huîtres

Elevées en masse par l’homme, au sein d’un milieu changeant et partagé par divers utilisateurs, les huîtres font partie de notre patrimoine culturel, social et économique, en France comme dans le reste du monde. Bientôt elles seront de toutes les fêtes. L’Ifremer en a fait un objet d’études scientifiques depuis de nombreuses années.

1. Les huîtres, un sujet  de recherche large et diversifié à l’Ifremer

  • La recherche en soutien des activités aquacoles

L’exploitation des coquillages revêt une importance sociale, économique et culturelle primordiale en France. C’est une activité majoritairement exercée dans un environnement partagé, la mer, milieu soumis à de nombreuses pressions, en particulier anthropiques. Pour cette raison, des approches intégrées sont nécessaires afin d’améliorer les connaissances, mais également de développer des indicateurs adaptés à l'observation, la vigilance et la réactivité en matière de salubrité ou de mortalité dans les élevages. Le prochain défi est de pouvoir intégrer les différents facteurs déjà étudiés individuellement dans un cadre plus global, pour apporter un soutien à l’élaboration de scenari de gestion.

En matière de mollusques marins et de conchyliculture, l’Ifremer apporte des connaissances pouvant aider au développement d’approches adaptées pour atténuer l’impact des maladies et mieux caractériser les interactions complexes des huîtres et de leur environnement. Le projet de recherche européen Vivaldi, finissant début 2020, a ainsi permis de  « mieux prévenir et contrôler les maladies des bivalves d'élevage », avec un consortium de 21 partenaires, issus de 10 pays.

Lire les principaux résultats du projet Vivaldi.

  • Les huîtres, un nouveau « modèle » pour les chercheurs en sciences marines

Les huîtres sont de véritables marqueurs du changement climatique. Elles subissent de plein fouet les variations : hausse des températures, acidification de l’océan, impact de polluants… Leurs réactions à ces modifications sont étudiées par les scientifiques et permettent de faire des avancées dans la compréhension des changements environnementaux  et des épisodes de mortalité.

Lire les principaux résultats de la publication dans Nature Communications sur les raisons de la mortalité des huîtres juvéniles (octobre 2018).

  • Les espèces marines, réservoirs de molécules pour la santé humaine

Les huîtres, notamment, ont récemment permis d’ouvrir un nouveau champ d’exploration dans la recherche sur le cancer. Un processus cellulaire, responsable de la croissance des cellules cancéreuses et irréversible chez l’homme, l’effet Warburg, a été mis en évidence chez l’huître creuse et sa régulation scrutée dans le contexte d’un projet de recherche soutenu par la fondation ARC.

 

2. L’huître creuse triploïde, qu’est-ce que c’est ?

L’huître creuse triploïde est appréciée des producteurs car sa croissance est plus rapide, et des consommateurs car elle possède des qualités gustatives comparables tout au long de l’année : son aspect est plus charnu que l’huître diploïde, son goût également plus constant. Des caractéristiques qu’elle doit à sa très faible production de produits génitaux (spermatozoïdes et ovocytes). Elle consacre son énergie principalement à sa croissance. L’huître creuse diploïde quant à elle, consacre en été l’essentiel de son énergie à sa reproduction. Elle devient « laiteuse » et sa croissance est ralentie.

  • L’huître creuse triploïde n’est pas un Organisme Génétiquement Modifié (OGM)

Le matériel génétique  des huîtres creuses est composé de dix lots de deux chromosomes identiques. On dit qu’elles sont diploïdes. Les huîtres triploïdes, elles, possèdent dix lots de trois chromosomes identiques.

Le nombre de chromosomes varie entre animaux diploïdes et triploïdes, mais les huîtres triploïdes ont exactement les mêmes gènes que les huîtres diploïdes. Elles ne sont pas des OGM, puisque leur génome n’a pas été modifié, ainsi que le communique l’ANSES (ex-Agence française de sécurité sanitaire des aliments) dans un avis de 2001.

On peut lire dans le même document que près de la moitié des espèces végétales de même que certains organismes marins existent naturellement sous forme polyploïdes et que des polyploïdes de betteraves, de truites… obtenus par l’homme sont couramment cultivés ou élevés et vendus aux consommateurs.

  • L’Ifremer a contribué à améliorer la méthode de production

D’abord développées aux Etats-Unis dans les années 80, des techniques de production des huîtres creuses triploïdes ont été développées par l’Ifremer dans les années 1990, à la demande de la filière conchylicole.

La méthode actuelle consiste à croiser des huîtres creuses diploïdes avec des huîtres creuses tétraploïdes (qui ont dix lots de quatre chromosomes identiques). Ces dernières peuvent être obtenues par une méthode indirecte, dite « Rutgers » du nom de son inventeur. Ou par une méthode directe à partir d’animaux diploïdes. L’Ifremer a déposé un brevet protégeant cette seconde méthode en 2007, et a utilisé cette méthode directe entre 2010 et 2019 pour fournir des huîtres creuses tétraploïdes aux écloseries françaises.

  • Des mesures pour protéger l’environnement

Les huîtres creuses triploïdes sont des animaux considérés comme non fertiles. En revanche, les huîtres tétraploïdes le sont : les animaux produits historiquement par l’Ifremer depuis 1998 ont fait l’objet d’une traçabilité rigoureuse, à l’aide d’une puce électronique fixée sur leur valve. Et leur mode de production était également contrôlé de près afin de maîtriser les risques d’échappement. Avant d’être rejetées dans le milieu naturel, les eaux issues des installations de production subissaient notamment un traitement (chloration/UV) qui permettait d’inactiver les gamètes.

  • Absence de risque sanitaire pour le consommateur

L’avis de l’ANSES de 2001 stipule que « le caractère polyploïde des huîtres ne paraît pas constituer en lui-même un facteur de risque sanitaire au regard de l’existence de ce phénomène à l’état naturel, dans les règnes animaux et végétaux, et de son recul d’utilisation à des fins d’amélioration des espèces ».

  • Les huîtres creuses triploïdes sont-elles plus fragiles ?

Depuis 2008, les huîtres de moins d’un an sont touchées par des épisodes de mortalité importante : plus de 50% chaque année en moyenne. Cause principale : l’herpesvirus OsHV-1. Les huîtres triploïdes en sont autant touchées que les autres.

Depuis 2012, la bactérie Vibrio aestuarianus provoque aussi des épisodes de mortalité importante affectant  les huîtres adultes. Or une partie de la profession a rapporté que les huîtres triploïdes seraient davantage touchées. Des travaux scientifiques menés en laboratoire ont permis de comparer différents lots d’huîtres triploïdes ou diploïdes, ayant un fond génétique commun. Ils mettent en évidence une mortalité moindre de 15% en moyenne pour les huîtres diploïdes.