Présentation

A la découverte de la méiofaune

Le monde de la méiofaune est constitué de tous les animaux de moins d’un millimètre vivant dans l'ensemble des habitats benthiques (sur le fond) de la planète. Il est peuplé d’animaux aux formes et aux adaptations étonnantes, capables de supporter des conditions extrêmes. Souvent oubliée de par sa petite taille, cette vie est essentielle au bon fonctionnement des écosystèmes. La méiofaune est un excellent indicateur environnemental face aux pressions humaines. Elle peut aussi être source d’applications dans l’industrie pour la production de molécules d’intérêt biomédical, découvertes par exemple au cours des explorations dans les environnements marins extrêmes.

 

Les nématodes, petits vers précieux vivant dans des conditions extrêmes

La méiofaune est particulièrement dominée par les nématodes, une population de vers sous-marins microscopiques. Les nématodes sont des vers au corps non segmenté et aux extrémités pointues. De nombreuses formes de nématodes sont des parasites de plantes, d’invertébrés et de mammifères, mais d'autres sont libres et peuplent les sédiments, tant dans les écosystèmes terrestres que marins. Ils jouent un rôle important dans les réseaux trophiques benthiques et dans la chaîne alimentaire, et se caractérisent par une forte sensibilité aux changements environnementaux. Les nématodes peuvent également modifier leur environnement et favoriser la dégradation des matières organiques en stimulant l’activité microbienne et en contribuant au mélange (bioturbation) des sédiments.

 

Les environnements naturels sont considérés comme des environnements extrêmes dès lors qu’un ou plusieurs paramètres environnementaux affichent des valeurs en permanence proches des valeurs limites permettant la vie (fortes températures, fortes pressions, présence de gaz, pH acides…). Ces environnements extrêmes présentent des similitudes avec les environnements que l’on pouvait trouver sur la Terre à ses origines. La découverte d’espèces extrêmophiles, c’est-à-dire vivant dans ces environnements extrêmes, a d’ailleurs renforcé l’hypothèse de l’existence de formes de vie sur d’autres planètes. Les environnements marins extrêmes sont considérés comme des oasis de vie microbienne. Certaines espèces de nématodes tolèrent, voire même prolifèrent dans ces conditions environnementales extrêmes, qui seraient mortelles pour la plupart des organismes. La découverte d’abondantes communautés de nématodes, parfaitement adaptés, dans plusieurs environnements extrêmes a ouvert de nouveaux horizons pour l’écologie et la biologie des espèces qui y prospèrent.

 

Les interactions nématodes-microorganismes

Dans leur environnement naturel, les nématodes sont confrontés aux microorganismes, y compris des bactéries et des virus. Les nématodes terrestres tels que Caenorhabditis elegans ont été utilisés au cours des dernières années comme hôte modèle pour l’étude des bases moléculaires des défenses immunitaires. Malgré sa simplicité, C. elegans possède en effet un système immunitaire inné qui ressemble à celui des organismes supérieurs et offre donc un modèle complémentaire pour l’étude du dialogue entre un organisme et son environnement. Sa réponse immunitaire innée consiste en la production de nombreux protéines et peptides antimicrobiens (PAMs), dont nombre d’entre eux sont conservés dans les organismes supérieurs. Ces protéines d'origine naturelle ont des propriétés antibiotiques et sont actives contre les bactéries, les champignons et les virus. Il existe un grand nombre de peptides antimicrobiens, provenant de diverses sources que l'on rencontre aussi bien chez les plantes que chez les insectes et les mammifères. Mais alors que la production de PAMs est universelle, les applications innovantes comme les thérapeutiques à base de PAMs ou encore la recherche de PAMs spécifiques en sont encore à leurs balbutiements.

On sait peu de choses des interactions entre nématodes et procaryotes dans les environnements marins, et encore moins dans les environnements marins extrêmes. La plupart des nématodes marins connus pour être associés à des bactéries ont été signalés dans des habitats aquatiques peu profonds, où nématodes et bactéries sont en interaction mutualiste (symbiose).

 

Le projet innovant DYVA (Deep-sea hYdrothermal Vent nematodes as potential source of new Antibiotics), financé par la Fondation Total et Ifremer a révélé l’existence de deux nouvelles espèces de nématodes vivant dans les sources hydrothermales, dont l’une est très abondante dans les cheminées hydrothermales les plus actives et se caractérise par son interaction avec la communauté microbienne (Figure 1).

 

 

Au cours de ses expériences, l’équipe DYVA a également découvert que ces nématodes résistent particulièrement bien au stress environnemental et survit jusqu’à 4,5 mois en laboratoire, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives dans l’approche expérimentale des nématodes de profondeur.

 

Le projet PIONEER

Les microorganismes et les nématodes sont très abondants et cohabitent dans les écosystèmes marins extrêmes. Leurs interactions peuvent générer un réseau de communication de molécules potentiellement utiles et /ou impliquées dans les défenses immunitaires. S’appuyant sur l’expérience acquise grâce au projet DYVA, le projet PIONEER vise à révéler les interactions entre microorganismes et nématodes dans différents environnements marins extrêmes (aussi bien côtiers que hauturiers, Figure 2). Il s’agit de comprendre comment les nématodes ont pu résister à certaines bactéries et aux conditions extrêmes. L’objectif est de découvrir de nouveaux groupes de peptides ou protéines susceptibles de générer un réseau de signaux de communication potentiellement utiles dans les réponses immunitaires, et donc offrant des applications biomédicales innovantes.

                                                                 

 

Les objectifs spécifiques et résultats attendus du projet PIONEER sont les suivants :

 

1)    Identifier les relations entre les procaryotes (microorganismes) et les nématodes dans les environnements extrêmes

Les interactions microorganismes-nématodes sont omniprésentes et s’avèrent être importantes dans le domaine médical et environnemental. Malgré cela, peu de données existent sur ce sujet. L’objectif global du projet PIONEER est d’acquérir une meilleure compréhension des interactions existantes entre les nématodes et les microbes.  Le projet PIONEER vise particulièrement à identifier comment microbes et nématodes s’adaptent les uns aux autres et quelles sont les conséquences des associations microbiennes-nématodes. PIONEER décrira les associations entre les nématodes et les microbes dans divers environnements extrêmes côtiers et profonds, en considérant les relations fortuites/forcées, les formes bénéfiques/pathogènes et la symbiose. En outre, il permettra d’étudier la diversité des nématodes libres des environnements extrêmes en utilisant des outils classiques et moléculaires. PIONEER devrait aussi permettre de découvrir de nouvelles espèces et de révéler la biodiversité cachée de la faune des nématodes marins. PIONEER permettra également de décrire la communauté écologique (des microbes à la macrofaune) des différents environnements marins extrêmes, améliorant ainsi notre connaissance de ces écosystèmes.

 

2)    Recherche de peptides ou de protéines et peptides antimicrobiens

Les protéines et les peptides antimicrobiens sont des éléments importants des défenses naturelles contre les agents pathogènes et se retrouvent dans un large éventail d’organismes. Le projet PIONEER vise à découvrir de nouveaux groupes de peptides ou de protéines antimicrobiens et pouvant être utilisés comme antibiotiques naturels. Plus particulièrement, le projet PIONEER testera les activités antifongiques, antivirales et antitumorales des PAMs découverts, un pas vers la découverte d’une nouvelle génération de médicaments pour le traitement d’infections bactériennes. Les produits naturels isolés au cours du projet PIONEER pourraient être exploités pour des applications biomédicales et pharmaceutiques.

Le projet PIONEER est soutenu par :